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Billet d’humeur n°20 - 20 décembre 2003

Marée basse

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Sommes-nous voués à n'être que des débuts de vérité ?

René CHAR


Commentaires du billet d'humeur n° 20



Billet d’humeur n°19 - 5 octobre 2003

Approche du Soi

terre à perte de vue sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle, après Pampelune                  [cliquez pour agrandir et appuyez sur F11]

Il y a des jours où l'herbe pousse, où les arbres bourgeonnent, où les fleurs s'épanouissent. Il y a des jours où les rêves remplissent nos nuits, riches de sens et de vie intérieure révélée.

Il y a des jours bénis par Sainte Chronicité, des jours qui nous laissent entendre que nous sommes uniques, élus, attendus. Il y a des jours où nous avons vraiment l'impression d'avancer.

Et puis il y a des jours et des jours durant lesquels il ne se passe rien. Rien de rien. Des jours où tout est banal, y compris et surtout nous. Morne plaine ! Pas de rêve, pas de contenus à la vie, la sécheresse, la canicule qui brûle tout. La lumière de la seule conscience raisonnante écrase toutes les ombres. Où es-tu mon cœur qui ne bat plus ? Où es-tu mon âme qui ne produit plus d'images ? La source intérieure de ton inspiration est tarie. Quel est ce nouveau désert qu'il te faut traverser ?

Douter ? Devrais-je encore douter ? Douter de quoi ? Je ne doute même pas. La vie s'écoule, banale. J'attends. J'attends sans révolte la prochaine saison de l'âme. J'attends que le sens émerge ; pour autant qu'il y ait un sens qui doive émerger. Non, je n'attends même pas.

Dormir, oui dormir, j'ai envie de dormir. Aurais-je épuisé ma capacité de révolte ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Tout est calme.

Curieux. C'est curieux comme les mots viennent sous ma plume. Voilà bientôt deux mois que je voulais écrire un billet d'humeur alors que rien ne venait et là, en quelques minutes, alors que je voyage dans un TGV bruyant, les mots viennent, sans effort, et sans d'ailleurs que je sache vraiment où ils veulent me mener. Qu'est-ce que je veux dire au juste ? Diable, je n'en sais trop rien.

Si, je le sais ! J'ai envie de dire, une fois de plus, que tout est le chemin. J'ai envie de dire que l'expérience du Soi à laquelle mène le chemin de l'individuation est comme la réalisation d'une pierre, une pierre qui se fait en roulant, en roulant longtemps, en roulant partout, par tous les temps, une pierre qui a tout subi, une pierre qui n'attend rien, une pierre qui est là, pleine, consistante, éternelle, une pierre qui accueille le monde.

Voilà !


Commentaires du billet d'humeur n° 19



Billet d’humeur n°18 - 27 juillet 2003

Sainte Chronicité, priez pour nous !

affleurement sur la mer                  [cliquez pour agrandir et appuyez sur F11]

Cette nuit, je me suis réveillée, c'était la chaleur et, je ne sais trop pourquoi, j'ai pensé "il faudra que je dise à Christian qu'il fait de très belles photos". Cet après-midi, mon amie Nicole me dit qu'elle veut s'inscrire à un cours de photographie et... je pense à toi Nicolas, à ma pensée de la nuit, aux photos noir et blanc dans mon tiroir, à toutes ces photos que j'aime. Ce soir, je me connecte et, oh surprise, je reçois un fabuleux cadeau !!! Des photos que tu m'envoies de ton dernier voyage. La vie est belle, non ? Moi, j'aime !

J'aime ces fractures dans l'ordre rationnel du monde. J'aime ces ouvertures qui me révèlent des harmonies sous-jacentes. J'aime ces clins d'œil, ces clins dieux comme je joue à dire ! Oui, j'ai beaucoup de plaisir à accueillir ces sourires, ces fous rires de Sainte Chronicité. Je me sens alors portée par une force vertigineuse, bénie des dieux, actrice de l'univers.

Non, je n'exagère pas. Non, je ne fais pas une inflationnite aiguë. Je me sens au contraire toute petite et pleine de grâce. Je me sens attendue. Je me sens traversée. Je me sens transparente. Où est le dehors ? Où est le dedans ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Qu'importe ! Puisque tout est là.

Les synchronicités marquent l'entrée dans le travail intérieur. Elles sont ces petites lumières qui font qualifier de route étoilée le chemin de Saint Jacques de Compostelle, cette allégorie de l'individuation. Jour après jour, elles transforment mon regard et m'éveillent à un autre rapport au monde, mélange de poésie, de confiance et de goût de vivre.

"J'étais avec lui, jouant sans cesse devant lui, jouant dans la sphère du monde, et faisant mes délices d'être avec les enfants des hommes." (Proverbes, 8)


Commentaires du billet d'humeur n° 18



Billet d’humeur n°17 - 7 juin 2003

Tarot et aventure intérieure

Tarot psychologique de Dürer, édition Lo Scarabeo

Je marche depuis plusieurs jours. Et plus je marche, moins j'avance. J'ai l'impression de stagner. Il me semble qu'il ne se passe rien. Ou plutôt, je ressens tout au fond de moi une insatisfaction. Une insatisfaction sur fond de conflit de devoirs. Je ne suis pas en paix. Ni avec moi, ni avec le monde qui m'entoure. De quelque côté que je me tourne, je ne trouve aucune issue satisfaisante à mon déchirement intérieur et à l'impasse dans laquelle je me trouve dans la vie extérieure.

C'est ce que j'en suis venu à appeler une "situation impossible", car je suis coincé de tous côtés, passé à la moulinette morale, salaud quoi que je fasse. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve ainsi. Je me demande même si cette mise en situation impossible n'est pas l'outil de prédilection du Soi pour nous amener à nous dépasser. Comme si le conflit - la mise en tension - était le moteur de l'aventure intérieure et la première source d'énergie psychique. En fait de moteur, mon vécu actuel est celui d'une béance par laquelle je me vide. Interdit de plénitude.

Depuis hier, curieusement, je répète, ou plutôt "ça" répète en moi : "tout est le chemin". Cette traversée du désert serait-elle partie intégrante du chemin ? Mais alors, quel est son sens ? Et, pourquoi y aurait-il un sens ? Peut-être, en fait, n'y en a-t-il pas et tel est précisément le sens de cette traversée du désert : la confrontation à l'absence de sens. Quoi qu'il en soit, je ne saurais me résigner. Je dois, je veux faire face. Mais comment ?

Le Yi King, je n'arrive pas à entrer dedans. J'essaie le Tarot. J'ai celui de Dürer sous la main. Je confie ma question à l'air du temps et je tire une carte : c'est le "5 de Deniers" (cf 1° image).

Tarot psychologique de Dürer, édition Lo Scarabeo

Après avoir décrit l'image, "j'entre" dans le paysage, je laisse émerger mon ressenti, puis je fais le lien avec la question posée. Je m'identifie spontanément à l'homme. A mes pieds, 5 pièces d'or. L'une représente un aigle, ailes déployées, tendu vers le pentagramme, signe de l'homme. Ce désert gelé est bien celui de mon quotidien. Certes c'est dur mais je suis blindé, je pourrais continuer. Ce qui me pose problème, c'est cette jeune fille juchée sur son mulet. J'en suis responsable. Je l'expose au froid, là est ma fragilité, là est ma culpabilité. Faire face au déchirement, dit mon tirage, c'est frapper à cette porte et entrer dans la maison. La porte est surmontée d'un phénix. C'est la maison de la transformation. Ici se trouve l'issue de mon conflit. Elle est dans ma transformation. Une situation impossible se résout par un saut qualitatif.

Je poursuis mon interrogation du Tarot. Je lui demande ce qui va se passer dans cette maison de la transformation et ce qui est attendu de moi. Je tire une nouvelle carte : le "9 de Deniers" (cf 2° image). La réponse est là, c'est la femme qui a été transformée dans la maison du phénix. De servante effacée, elle est devenue grande dame portant une robe vert-de-gris, couleur de Vénus. Conjonction des contraires, c'est par sa main gauche posée sur la tête de l'aigle que la dame a autorité sur le maître de l'air. Ce qui est attendu de moi dans la maison de la transformation, c'est de permettre à l'Anima de prendre toute sa place, d'affirmer son autorité en fixant le volatil et en donnant corps à l'esprit. En toile de fond, le 9 marque la fin d'un cycle.

Message reçu ! J'ai compris. Merci Tarot, merveilleux outil de projection, source de synchronicités, support de mon imagination active. Tu m'es bien utile dans mon aventure intérieure. Puisses-tu l'être également pour tous les mérelliens en quête de sens !

Commentaires du billet d'humeur n° 17



Billet d’humeur n°16 - 2 mars 2003

Moi + Toi = Soi !

illustration tirée du Rosaire des philosophes, in La psychologie du transfert, CG Jung

Interpellé par l'actualité sur le Forum, j'ai envie depuis quelques semaines de parler du Soi, sans trop pourtant savoir comment. Et voilà que ce matin, en plein milieu de ma salle de bains, paf ! tel un kôan zen, c'est une équation qui flashe :

Moi + Toi = Soi

Une équation à 3 inconnues ! car, bien évidemment, aucun des trois termes n'est véritablement connu.

D'abord Moi.
Qui est Moi ?
"Moi est une putain !" m'a-t-il été répondu un jour, alors que je marchais vers Compostelle. Ce Moi, pétri de vide, fonctionne comme une pulsion à posséder et à s'identifier. Moi dit : mon chien, ma femme, ma bagnole, ma maison, ma douleur, ma réussite, mes idées, la belle image que je me fais de moi, etc ! ... Moi est possédé par ses possessions, il s'identifie naturellement à ce qui l'habite, Moi est une putain qui monte avec le premier venu.

Ensuite Toi.
Qui est Toi ?
Qui est Toi, tel qu'en lui-même ? Pour Moi, Toi est d'abord ce que je projette sur Toi, il est de ce fait le miroir de Moi que tu me tends en permanence. Mais qui es-tu, Toi, l'Autre, dépouillé des habillages de l'Ombre et de l'Anima ou de l'Animus ? Oui Toi, toi qui n'es pas complètement séparé de Moi, je comprends que, pour te rencontrer, je dois te décontaminer de mes mille reflets.

Et puis, il y a Soi,
conjonction de Moi et de Toi, me dit mon équation.
Soi, réunion de Moi et de son environnement !
Soi qui réunit le dedans et le dehors et que, décidément, j'ai beaucoup de mal à penser. Je sens pourtant là comme une étroite et subtile complicité entre les circonstances extérieures et mes états intérieurs, une complicité qui me fait dire que celles-ci ne sont peut-être pas véritablement séparées de ceux-là. Soi m'apparaît ainsi comme un ensemble - un ensemble social et pas seulement individuel - et aussi comme un moteur, un moteur inconscient qui fait que ma psyché, dans sa totalité, mûrit en permanence et se différencie. Tel est le jeu du Soi qui me-se construit en mettant en scène la dialectique du Moi et du Toi. Petit à petit, à travers ce processus dit d'individuation, c'est comme un espace qui s'ouvre quelque part - un espace au barycentre d'un peu tout - un espace que j'apprends à habiter et d'où j'en viens à dire Je, car là est ma maison, là est ma consistance, là Je me sens entier.

Ainsi se fait la pierre, ... en roulant ! cette pierre qui me permet d'accueillir le monde.

Commentaires du billet d'humeur n° 16



Billet d’humeur n°15 - 19 décembre 2002

La chaîne des yeux

La renarde, Féminitude, de Monique GRANDE, illustrations de Myrrha, éditions Le Souffle d'or,           Cliquez pour agrandir

Tu as posé ton regard sur moi et mon vieux prisme ébréché qui ne laissait passer que les ombres a éclaté en miettes. Deux yeux posés sur moi ; fait banal ! Mais ce regard - le tien - a fait germer en moi un nouveau cristal. Désormais, les couleurs de l'arc-en-ciel illuminent mon ciel intérieur.

Ton regard posé sur moi, je l'entends résonner en mon âme, sa voix murmure : "Je te vois. Je te vois au fond. Mon œil traverse tes boucliers, il perçoit tes peurs, il sourit de tes esquives. Il démasque tes fuites et il devine tes errements. Il sait ta force. Il suscite tes rêves, il anticipe tes intentions, il te soutient dans l'émotion. Il te conduit sur le chemin de la confiance."

Quand tu n'es pas là, ton regard posé sur moi, lui, est toujours là. Il est présence, il est silence, il est amour. Je le porte en moi et, à nouveau, en écho dans mon cœur, j'entends "Viens, viens à loisir, viens puiser en moi ce qui est bon pour toi. Puise, puise tant que tu veux. Plus tu puises, plus tu me nourris. Jamais tu ne m'épuiseras.".

Ton regard posé sur moi a changé mon propre regard que je portais sur moi. Oui, vois-tu, j'ai répondu à ton invitation. J'ai osé laisser mes protections, j'ai osé la transparence, j'ai osé être moi. Nue, oui nue, j'ai pleuré en acceptant mes richesses et j'ai souri en accueillant mes souffrances. J'ai cru en toi. Je t'ai cru et ma souffrance accueillie ne m'a pas brisée. Me voilà capable de réaliser mes rêves.

Un certain silence m'habite maintenant, il a ouvert en moi un espace qui me semble infini ; l'amour est là, au fond, dedans, partout. Et toi, porteur du sens, tu m'accompagnes.

Ami, garde-moi ton regard posé sur moi, ce regard qui a ouvert mes yeux que je pose à présent sur chacun autour de moi.

Commentaires du billet d'humeur n° 15



Billet d’humeur n°14 - 16 octobre 2002

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CHEMIN FAISANT

Ultréia, va plus loin, avance pèlerin.
Ton bourdon pour la soif et ton cœur pour mérelle,
Avec ou sans bâton, marche vers Compostelle.
Telle une promesse au début du grand chemin,

La vierge noire tient l'enfant-roi sur son sein.
Dans l'Aubrac austère, ta solitude est telle
Que tu vis en elle la blessure essentielle.
Mirages et ombres, toujours ont une fin.

Dans les pas de Roland, ta pensée épuisée
Se nourrit de l'instant et se sent apaisée.
Là, du fond de ta nuit, le sens t'est dévoilé.

Comprends ton voyage, souviens-toi du départ,
Rien n'a été changé si ce n'est ton regard.
Un nouvel homme est né sur la route étoilée.

Commentaires du billet d'humeur n° 14



Billet d’humeur n°13 - 15 août 2002

Du bon usage
du feu secret des sages

Mère Alchimie, in Le jardin de la Reine, Étienne Perrot

Dans un grand éclat de rire pour marquer les vacances et renouer avec la tradition de la gaie science, voici un petit rêve en hommage à Étienne Perrot. Je ne doute pas que notre guide en alchimie aurait savouré l'humour truculent avec lequel le maître des songes a mis en scène sa citation (voir ci-dessous).

" Dans le ciel, je vois passer un scooter avec deux passagers dont l'un se tient au siège par les mains seules et flotte comme une bannière flotte au vent. Quand il atterrit, une institutrice et une gamine d'une dizaine d'années descendent. Je maudis cette institutrice irresponsable qui met son élève en si grand danger. "

" Nous sommes un petit nombre à être invités au restaurant par 'l'organisatrice des cours'. Nous sommes installés en terrasse. Comme les autres, je suis en slip et en tee-shirt. Les chiens sortent des sacs à dos qui leur servent de niche et s'ébrouent. Le temps est humide, j'ai un peu froid. Pour me réchauffer, je vais m'installer au-dessus du fourneau de cuisine situé dans l'angle. Je suis comme assis à un mètre au-dessus du fourneau, jambes écartées qui épousent l'angle. Je ne sais pas comment je tiens ainsi en hauteur mais, comme disent nos amis Belges, j'ai bon ! "

Les lecteurs d'Étienne Perrot et les amis de la Fontaine de Pierre n'auront pas manqué de reconnaître Mère Alchimie sous les traits de 'l'organisatrice de cours' nourrissant 'le petit reste'.

Les aventuriers du rêve n'ont d'habits que le strict nécessaire pour rester décents. Leurs bagages se réduisent à un sac à dos pour porter leur chien et assumer la nature qu'il représente. Et puis, fort heureusement, ils ont accès au fourneau d'angle, variante de la pierre angulaire qui assure la solidité des édifices.

A la différence de l'institutrice irresponsable qui confond enseignement et acrobaties intello-aériennes périlleuses, Mère Alchimie nous présente un programme en trois temps :
- nous déshabiller,
- assumer notre nature,
- et nous chauffer benoîtement le cul au feu secret des sages.

Les anciens alchimistes insistaient lourdement sur la qualité de leur feu, de manière à éviter l'exaltation inflationniste caractéristique d'un coup de feu en cette partie charnue. Le feu doit être doux et régulier, disaient-ils ! Ainsi, il fait du bien partout où il chauffe, et de surcroît, ... tout ça c'est très bon pour la kundalini ! :-))

N'est-ce pas l'essentiel !

Commentaires du billet d'humeur n° 13



Billet d’humeur n°12 - 7 juillet 2002

"Moi ?
Qui, moi ?"

Foule, un tableau de Manon Otis

Lequel es-tu de ces mille visages que tu montres ? Sais-tu qui t'habite ? Sais-tu qui tu es ? Sais-tu quel est l'élan qui te porte ? Es-tu un ou es-tu mille ? Tous les jours, ton humeur change ; avec elle, tes désirs et tes projets !

Tu rêves de transparence et te voilà plongeant dans le mensonge et la compromission.

Tu as soif de profondeur et d'intériorité et te voilà t'installant dans la banalité, cette banalité rampante qui rogne tes ailes naissantes.

Tu veux régler ta vie pour l'aventure intérieure et te voilà, écervelé versatile, te diluant dans le monde.

Où est ta continuité ? Qu'est-ce qui te fait toi ? Quel sens ta vie a-t-elle dans l'économie du monde ?

Ces questions lancinantes reviennent périodiquement. Elles entretiennent un fonds de frustration et d'insatisfaction qui nous porte à désirer de plus en plus le changement. Oh oui, échapper à ses routines, être en vacances de soi et de ses propres pesanteurs, ne plus revenir en arrière, avancer, alors que sur cette voie de la transformation, il semble bien qu'on n'en finisse pas de commencer !

Que faire ?

" Hic Rhodus, hic salta ", "C'est ici Rhodes, c'est ici que tu dois danser !" Jung aimait répéter cette phrase. Oui, c'est ici et maintenant que nous devons vivre, oui une partie de nous ne doit pas craindre de s'engager dans le tourbillon du quotidien, mais il importe également de trouver en soi ce témoin intérieur suffisamment distancié pour ne pas s'identifier aux mouvements du moi. Là est le centre, là est le point fixe, c'est là que s'enracine le Je !

Commentaires du billet d'humeur n° 12



Billet d’humeur n°11 - 19 mai 2002

"Meurs et deviens !"

Cérémonie secrète, un film de Joseph Losey

L'Ombre, c'est ce que j'ai rejeté en me construisant. L'Ombre s'est construite en même temps que Moi, elle comprend tout ce que j'ai refoulé pour m'adapter à mon environnement familial et social, tout ce que je n'ai pas développé, pas parce que ce n'était pas acceptable, mais tout simplement parce que je ne pouvais pas tout faire. Aujourd'hui, cette Ombre s'est constituée en adversaire intérieur et elle m'interpelle par la tension qu'elle crée en moi.

Qu'ai-je à lui opposer ? Si ce n'est ma bonne conscience et la belle image que je me fais de moi-même !

Ce Moi narcissique auquel je m'identifie volontiers subit de plein fouet les assauts de l'Ombre. Et du coup, je relativise les valeurs auxquelles j'étais attaché, je perds mon assurance, je perds mes repères, j'en viens à me dégoûter, je sens que je me désagrège, je me sens comme en prison, je suis seul. Suis-je le plus malheureux des hommes ? Assurément !

Soit, mais j'existe ! Mais au fait qui suis-je ?

Depuis que j'ai vu le revers de la médaille de ce héros que je m'imaginais être avec tant de complaisance, depuis que je ne m'identifie plus à des images de moi, je commence à me vivre sans me définir, je commence à me vivre sujet. La fin de mon Moi imaginaire n'est pas mon anéantissement ni la fin du monde, je peux encore dire 'je'. J'ai l'impression que je vis plus au large, que je respire mieux et que je comprends mieux les autres. J'ai l'impression d'avoir les pieds sur terre et de vivre pleinement, ici et maintenant. Je comprends Élie Humbert lorsqu'il dit : " Dans cette perspective, la psychanalyse est peut-être l'art de perdre ses illusions dans un accroissement du goût de vivre ".

Commentaires du billet d'humeur n° 11



Billet d’humeur n°10 - 12 avril 2002

Bollingen

Habiter sa maison

- Où allez-vous comme ça ? Vous allez à Compostelle à pied ?

- Ben oui, répondis-je.

- Eh bien mon pauvre, vous n'êtes pas encore arrivé !

- Oh, mais vous savez, je ne suis pas pressé.

Un kilomètre plus loin, ça recommence.

- Où allez-vous ? D'où venez-vous ? me demande une autre personne

Et puis, une heure après, une brave dame arrête sa voiture à ma hauteur et me demande :

- Où allez-vous comme ça ? Voulez-vous que je vous dépose quelque part ?

- Merci Madame, je marche pour mon plaisir.

Qu'ont-ils donc tous ces gens-là pour s'adresser à moi comme si, dans un voyage, seul comptait le fait d'arriver à destination ? Voudraient-ils me faire dire que " le but du chemin, c'est le chemin lui-même " qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.

Je pense bien sûr à ma marche comme à une allégorie de l'aventure intérieure de l'individuation. Je pense aux aventuriers qui demandent ce qu'il y a au bout du processus d'individuation ou qui évoquent le moment où ils auront terminé leur individuation comme si un jour celle-ci serait finie, comme s'il y avait un but qui serait à atteindre dans le temps du projet, après une succession d'étapes ou d'épreuves.

Ma randonnée se poursuivant, le lendemain matin, au cours du petit déjeuner au gîte, un pèlerin me lança au-dessus de sa tartine de confiture : "j'ai rêvé cette nuit que je n'habitais pas ma maison et que je l'avais donnée à quelqu'un que je n'aime pas beaucoup"

Le rêve arrivait à point. Effectivement, l'important c'est d'habiter sa maison ! ... ici et maintenant ! Être et vivre et s'exprimer au moment et à l'endroit où l'on est. Être complètement présent ici et maintenant. L'important du chemin, ce n'est pas d'être tendu en vue d'atteindre le but de son voyage ; l'important, c'est d'être présent dans chaque pas. L'important, c'est d'habiter sa maison !

Commentaires du billet d'humeur n° 10



Billet d’humeur n°9 - 23 février 2002

La foule

La solitude de l'aventurier

Quiconque est engagé dans l'aventure intérieure de l'individuation se trouve en butte à la solitude et à ce sentiment d'impuissance à communiquer sur ce qu'il vit. Personne avec qui parler de cette confrontation intime avec les remontées du fond ! Cette solitude structurelle est génératrice de doutes sur l'authenticité de ce qui se vit. Suis-je " normal " ? Ce que je vis est-il dans l'ordre des choses ou bien suis-je empêtré dans les méandres de ma subjectivité ? Avoir envie de communiquer sur des expériences aussi fortes est tout à fait naturel, mais n'est pas chose facile. Pourtant, il est aujourd'hui plus facile qu'hier de parler avec autrui de l'expérience de l'individuation.

C'est d'abord une question de langage. Il faut s'affranchir du jargon psychologique, il faut trouver les mots justes, il faut " parler vrai ".

C'est aussi une question de courage. Oser s'affirmer dans sa différence et oser être ce que l'on est - au besoin en rupture avec les modèles collectifs - est une étape de l'individuation. Il ne s'agit pas de verser dans le prosélytisme, il n'y a rien à forcer, il y a à vivre de plus en plus en accord avec soi-même, au fur et à mesure que la force intérieure croît et nous permet de nous affirmer sereinement.

Si l'on en juge par les messages reçus, Mérelle.net permet aux aventuriers de pratiquer une première sortie de leur solitude, il leur permet d'exprimer ce qui les travaille et d'échanger sur ces sujets intimes dans un environnement protégé et bienveillant. Mérelle.net permet de toucher du doigt que nous ne sommes pas seuls au monde à avoir ce genre de préoccupations, il nous aide à affiner notre expression, il contribue à nous donner les repères indispensables pour trouver confiance en nous. Ici, cependant, pas de maîtres ni de disciples, pas de gens qui savent et d'autres qui ne savent pas. Nous sommes tous des compagnons. Chacun apporte son expérience personnelle, son savoir-faire, son témoignage. Il n'y a pas d'autre maître que le Soi qui opère pour faire de chacun de nous un être entier.

Commentaires du billet d'humeur n° 9



Billet d’humeur n°8 - 16 décembre 2001

Dionysos

Le retour de Dionysos

C'était samedi dernier, 8 décembre 2001, au colloque organisé par le Groupe d'études CG Jung sur le thème de la (post-)modernité de Jung. Michel MAFFESOLI a expliqué à quel point la tradition judéo-chrétienne du salut structure la pensée occidentale moderne. L'idée récurrente est que nous vivons dans une vallée de larmes et que la vraie vie est pour demain, dans la cité de Dieu. Marx dit quelque chose de comparable : " la société parfaite, c'est pour demain ". Tout le politique repose sur le principe d'amélioration : on stigmatise ce qui est pour dire ce que le monde doit être. On va de la barbarie vers la civilisation, du mal vers le mieux, c'est dans cette problématique aussi que s'enracine le développement personnel. Nous tous qui sommes contaminés par le grand mythe progressiste, nous avons tendance à répéter " non à ce qui est, la vraie vie est ailleurs ".

C'est la lutte de la lumière contre les ténèbres. L'ombre n'a plus sa place.

Jung ouvre à une autre dimension dans laquelle l'individu ne s'inscrit plus dans le projet, mais dans le vécu et dans l'acceptation de la réalité. Ce qui est en jeu avec lui, c'est le non-dépassement du mal. Alors que le propre de la modernité, c'est le futur - " demain, on rase gratis ! " - il s'agit ici d'intégrer le présent. L'entièreté de l'être à laquelle Jung invite est une mise en synergie des archaïsmes et de la 'modernité' pour vivre pleinement le présent. C'est parce que Dionysos est cette figure de l'enfant éternel, ludique, destructeur et en même temps régénérateur, à l'opposé de la tradition judéo-chrétienne et du mythe progressiste que Jung disait que la voie de l'individuation est une voie dionysiaque. C'est dans ce même esprit que Maffesoli en est venu à énoncer avec gourmandise : " C'est avec humour qu'il faut avoir l'humilité de penser l'humus dans l'humain. Là est le vrai humanisme de la post-modernité "



Billet d’humeur n°7 - 15 novembre 2001

Ombre !

Voltaire

Confrontation avec l'Ombre !

Tant que la confrontation se fait au niveau du concept ou au niveau de l'image dans un rêve, la situation est supportable. Mais quand, ici et maintenant, dans ton miroir intérieur, tu te retrouves face à face avec toi-même avec une figure de salaud - oui, de salaud ... ou de minable, c'est pareil - là, tu ne joues plus dans la même cour qu'avant. L'individuation accomplit son œuvre ! Cette image de toi qui te déconsidère à tes yeux, en fait, elle te déconstruit. Elle te démantèle, elle te met en pièces. Tel est l'effet de la confrontation à l'ombre, et ce n'est pas une partie de plaisir.

S'il est sain d'avoir le courage de boire la coupe jusqu'à la lie, il ne faut pas pour autant se laisser démolir par l'épreuve. Il importe pour cela de ne pas laisser ces sentiments de désorientation et de dégoût de soi-même occuper tout l'espace intérieur.

Ce qui est en cause, c'est la mort d'une image plutôt avantageuse de soi. Oui, il s'agit d'un sacré coup porté à son narcissisme naturel. Il s'agit en fait d'un travail à l'envers : alors que pendant la première partie de ta vie, tu t'étais construit une certaine image de toi parce que tu avais besoin de ce reflet valorisé de toi pour t'affirmer dans la vie, aujourd'hui, le cours logique de l'individuation veut que tu fasses le travail à l'envers et que tu vives ta déconstruction.

A ce moment-là, si tu te poses la question : " finalement, qui suis-je ? quel est ce moi auquel je me suis identifié ? ", la réponse qui vient curieusement semble être : " ce moi auquel tu tiens tant et auquel tu t'identifies, finalement, c'est d'abord une construction imaginaire ". C'est le sacrifice de ce moi imaginaire qui paraît être la cible de l'assaut de l'ombre.

Commentaires du billet d'humeur n° 7



Billet d’humeur n°6 - 20 octobre 2001

Le langage des rêves

C.G. JungInterprété ou pas, compris ou pas, le rêve agit, le rêve remplit sa fonction de régulation psychique. Il appartient toutefois au moi conscient de traduire le rêve dans son propre langage rationnel de manière à en intégrer tout ce qu'il est utile d'en vivre.

L'interprétation construit des ponts entre le conscient et l'inconscient, elle leur permet ainsi de communiquer.

Le dialogue, au début, peut n'être qu'un dialogue de sourds, mais il est fréquent de constater que progressivement ce dialogue s'autorégule et qu'une interprétation erronée crée une situation nouvelle qui suscite une réponse adaptée de l'inconscient. Cette restauration du dialogue entre le conscient et l'inconscient exerce un effet vivifiant qui favorise la santé psychique et l'intelligence psychique.

Les rêves sont des médiateurs qui permettent la confrontation entre le vécu psychique et la vie concrète et ainsi, petit à petit, l'affinement de la conscience de soi.

Accueillons ces produits de la nuit au niveau conscient, témoignons-leur de la considération en les notant, revivons-les consciemment sans chercher absolument à les interpréter, sans nécessairement les traduire dans un langage intellectuel. Entraînons notre conscient à parler le langage des rêves en direct, entraînons-nous à penser directement dans cette langue, de manière à profiter sans trop tarder de ces messages venus du fond et à les traduire rapidement en actes dans la vie quotidienne. Fixons le volatil !



Billet d’humeur n°5 - 6 août 2001

Pèlerinage à Compostelle

C.G. JungPour Jung, la santé psychique d'un individu dépend de la relation fonctionnelle que celui-ci parvient à établir entre ses processus conscients et inconscients, entre le dedans et le dehors. Cette relation qui sous-tend également les activités créatrices constitue le fondement du développement de la personnalité par lequel l'individu explore sa totalité et devient un être entier. Ainsi s'accomplit l'individuation. C'est ce travail de " frontalier " que Jung appelait l'œuvre et que nous, nous appelons l'aventure intérieure. C'est en fait une expérience immémoriale de l'humanité, c'est celle des chamans par exemple.

L'aventure intérieure commence par l'attention portée aux rêves et aux images qui accèdent à la conscience. Cette attention se traduit par un effort de compréhension car ces rêves et ces images sont supposés être porteurs de sens et témoins d'une activité psychique profonde.

L'aventure intérieure, c'est aussi l'attention portée à la résonance intérieure des êtres et des choses avec lesquels on entre en contact. Elle s'attache à la compréhension des événements de la vie car eux aussi sont supposés porteurs de sens et vecteurs d'initiation.

L'aventure intérieure est une quête de sens, sens des productions inconscientes et sens des événements de la vie ; quête de sens, certes, mais quête de sens incarnée ! En aucun cas, il ne s'agit de compréhension intellectuelle. C'est bien de sagesse qu'il s'agit, de découverte et de mise en œuvre d'une vérité vécue ! D'une certaine manière, c'est à une tentative de dépassement de la vie ordinaire banale que nous nous livrons. Nous voulons accéder à une vie plus pleine, plus intense, plus profonde. L'aventure intérieure nous situe donc symboliquement dans une problématique d'antique quête, quête de la Toison d'or, quête du Graal ou ... pèlerinage à Compostelle.



Billet d’humeur n°4 - 8 mai 2001

Réaliser le Soi

C.G. JungIl n'est pas rare d'entendre dire de quelqu'un qu'il cherche à " réaliser le Soi ". A ces gens-là, disait Élie Humbert, il est intéressant de raconter par quels chemins Jung lui-même en est venu à élaborer le concept de Soi.

Alors qu'il venait de se fâcher avec Freud, alors qu'il avait perdu tous ses repères et qu'il avait décidé de laisser advenir ce qui devait advenir, Jung s'est mis en tête de suivre l'inspiration qui l'invitait à renouer avec son enfance en construisant des petites maisons avec des cailloux ramassés sur le bord du lac de Zurich. Freud avait rêvé de faire de lui son fils spirituel, ses travaux avaient une audience internationale et lui, Jung, utilisait ses moments de liberté pour aller ramasser des petits cailloux et construire ses petites maisons. Cette activité ne relevait pas d'un grand niveau intellectuel. Elle aurait pu être celle de l'un de ces débiles qu'il côtoyait tous les jours au Burghölzli. Cette expérience de base, pourtant, a conduit Jung à prendre conscience des mécanismes de réparation et de construction à l'œuvre dans la psyché. Ainsi il a approché le Soi et cette régression à un état débile en a été le prix à payer.

Vous qui cherchez à " réaliser le Soi ", êtes-vous prêt à payer un prix identique pour y arriver ? quel prix êtes-vous prêt à payer ?... sachant, bien évidemment, que ce n'est pas parce que vous vous comporterez en débile que vous aurez pour autant " réalisé le Soi ! " :-)



Billet d’humeur n°3

Le "Livre qui parle"

C.G. JungInterrogé sur le sujet à aborder dans ce billet d'humeur après une interruption de près de six mois, le Yi King me répond avec beaucoup d'à-propos :
24 - le retour (le tournant) qui devient 40 - la libération.

Je sors en effet d'une immersion totale dans la 'vie extérieure' que j'ai vécue comme la traversée d'un long tunnel. Et que me dit le Yi King ?
24 - le retour (le tournant) : "Le temps de l'obscurité est passé. [...] Après le temps du déclin vient le tournant. [...] Tout vient spontanément lorsque c'en est le temps..."
40 - la libération : "Le mouvement sort ici du danger. L'obstacle est écarté, les difficultés sont conçues comme étant en cours de solution..."

Quelle curieuse coïncidence, une fois de plus vérifiée ! Quelle subtile complicité entre mon état intérieur et ce jet de pièces totalement fortuit et dérisoire ! Quel émerveillement ! Mais quelle est donc cette harmonie secrète du monde sur la voie de laquelle nous met le "Livre qui parle" ?

Et du coup, je me dis que l'expérience de "l'obscurcissement de la lumière" que je viens de traverser au cours de ces derniers mois n'est pas étrangère à "l'ordre du monde". Je me vis séparé. Je ne le suis pas.



Billet d’humeur n°2

L'aventure intérieure


Toi qui lis ces lignes, nous ne pouvons qu'accueillir avec beaucoup de bonheur ton envie d'explorer ta profondeur. Là est, en effet, une des grandes aventures de notre époque.

L'aventure intérieure n'est pas triste, ni austère. Ce n'est pas non plus une fuite des difficultés de l'existence. Il est vrai que certains s'y engagent à la suite de traumatismes profonds. Attachons-nous au contraire à mettre l'accent sur l'orientation ludique et passionnante de la démarche. Nous apprécions que des jeunes gens, pleins de vie, équilibrés, promis à un bel avenir, ressentent l'appel du fond et décident d'y répondre ici-même, au milieu du monde, tout en assumant leurs engagements professionnels, familiaux et autres. Ceux-là sont les phares de demain, ils vont inventer et promouvoir une autre manière de vivre leur humanité, y ajoutant pleinement la dimension du sens.

L'aventure intérieure est une fabuleuse fête de la vie.




Billet d’humeur n°1

Merelle.net

L’auteur du site Rêves et interprétation (C.G. Jung), en tant que psychanalyste jungien, fait le pari qu'Internet peut servir d'outil de connaissance de soi.

Moi, en tant que rien du tout, tout au plus "honnête homme" de ce vingt-et-unième siècle commençant, je fais le pari qu’Internet peut servir de moyen de liaison entre tous ceux qui ont la naïveté active de penser que l’homme peut être transformé par la confrontation avec l’inconscient. Je pense qu’il est possible de parler de nos expériences intérieures comme des moments de ce processus d’individuation mis en évidence par C.G. Jung. Je pense que l’expérience des uns, toute subjective qu’elle soit, peut être profitable à d’autres.

Tel est bien l’esprit d’Internet de permettre ces échanges entre toutes celles et tous ceux qui sont engagés dans cette fabuleuse aventure intérieure, forme moderne de l’ancienne quête du Graal.



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