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11 - Jung et la modernité

Christian : modernité

Chacun de tes messages pose de vraies questions. Celui-ci encore. Aurons-nous jamais le loisir de débattre ensemble de toutes ces idées ?. Ce qui me plaît dans nos échanges, c'est qu'ils te vivifient (je te crois puisque tu le dis, et j'en retire du bonheur) mais qu'ils me vivifient aussi car tu me pousses dans mes retranchements et tu m'obliges à mettre de l'ordre dans mes idées

- J'aimerais avoir le temps d'explorer ton a priori matérialiste, en démonter les présupposés et, non pas défendre la thèse contraire, mais explorer les idées nouvelles qui peuvent naître d'une tentative de réconciliation de ces contraires. Là est à mes yeux la vraie modernité.

- Je me méfie (sauf ton respect !) de l'idée que tu te fais des positions de Jung sur Dieu et la religion. Jung a été beaucoup attaqué sur ce sujet par différents contradicteurs ; chaque fois il a répondu qu'il était psychologue et pas théologien. Ce dont il parle, lui, ce n'est pas de Dieu en tant que tel (et dont, en dernier ressort, il ne sait pas s'il existe ou non), mais du constat qu'il fait qu'il y a dans la psyché humaine une idée (une représentation) de Dieu (ou d'absence de Dieu, ce qui en est une variante) et que celle-ci est chargée énergétiquement.

- Ah, la synchronicité ! Elle te paraît éminemment suspecte ! ça ne m'étonne pas, et ça m'amuse même énormément. L'idée est dingue, complètement loufoque, délicieusement sulfureuse. Ce qui pose problème, c'est l'explication du phénomène, car l'expérience est réelle. J'ai de nombreux exemples personnels à ta disposition. Sur le Forum, j'en ai relaté un, particulièrement spectaculaire, qui m'est arrivé le 11/9 dernier. J'en ai d'autres à ta disposition. Quels sont les faits ? Une coïncidence entre un état intérieur et un fait extérieur qui produit une étincelle de sens. Question : Est-ce un simple produit du hasard ? Réponse : C'est pas évident ! C'est ainsi que des physiciens théoriciens très sérieux s'interrogent sur cette idée, en relation avec le fameux paradoxe EPR (Einstein - Podolsky - Rosen), ils tournent autour du vieux serpent de mer qu'est l'idée de champ unitaire.

- J'aimerais aussi avoir le temps de parler de cette ''idée d'un inconscient collectif qui aurait des racines ailleurs que dans la seule culture dans laquelle le sujet a vécu''. Eh oui, pourquoi supposer a priori que les contenus de l'inconscient ne soient que les produits de la culture individuelle ? Pourquoi n'y aurait-il pas un champ psychique (comme on parle d'un champ électromagnétique, gravitationnel ou autre) et des contenus transversaux (transpersonnels) présents dans chaque psyché individuée ? Reprenant Saint John Perse qui arrive fort à propos (c'est le genre de synchronicités que je rencontre tous les jours), je dirai que l'inconscient collectif pourrait être le bruit 'des' crânes que la mer roule sur les grèves. :-)))

Enfin je n'ai pas perçu avec autant de clarté et d'agacement que toi cette 'condamnation caricaturale de l'époque moderne' dans l'œuvre de Jung.

Auqmn

A propos de la critique de l'époque moderne, voici deux extraits de l'autobiographie de Jung. L'essentiel de sa critique me paraît justifié, mais il pousse certaines tendances à l'extrême et son pessimisme me semble exagéré. A le lire j'ai l'impression que notre époque est celle d'une perte irrémédiable et que toute innovation technique est pernicieuse. Je trouve ses vues très partiales, car même si le progrès est loin d'être le salut de l'homme et qu'il a des effets pervers, tout n'est pas à dénigrer.

'Néanmoins nous sommes jetés dans une cataracte de progrès ; elle nous pousse vers l'avenir avec une violence d'autant plus sauvage qu'elle nous arrache à nos racines. Toutefois si l'ancien a éclaté, il est alors, le plus souvent, anéanti et il est impossible d'arrêter ce mouvement en avant. Car c'est précisément la perte de relation avec le passé, la perte de racines, qui crée un tel 'malaise dans la civilisation' et une telle hâte, que nous vivons plus dans l'avenir, avec ses promesses chimériques d'âge d'or, que dans ce présent, que l'arrière-plan d'évolution historique n'a pas encore atteint. Nous nous précipitons sans entraves dans le nouveau, poussés par un sentiment croissant de malaise, de mécontentement, d'agitation. Nous ne vivons plus de ce que nous possédons, mais de promesses; non plus à la lumière du jour présent, mais dans l'ombre de l'avenir où nous attendons le véritable lever du soleil. Nous ne voulons pas comprendre que le meilleur est toujours compensé par le plus mauvais. L'espérance d'une plus grande liberté est anéantie par un esclavage d'État accru; sans parler des effroyables dangers auxquels nous exposent les brillantes découvertes de la science. Moins nous comprenons ce que nos pères et nos aïeux ont cherché, moins nous nous comprenons nous-mêmes et nous contribuons de toutes nos forces à dépouiller l'individu de ses instincts et de ses racines, si bien que devenu particule dans la masse, il n'obéit plus qu'à 'l'esprit de pesanteur'.

Il est évident que les réformes orientées vers l'avant, c'est-à-dire par de nouvelles méthodes ou 'gadjets', entraînent d'immédiates persuasions, mais à la longue elles deviennent coûteuses et en tout cas, il faut les payer très cher. Elles n'augmentent en rien les aises, le contentement, le bonheur dans leur ensemble. Le plus souvent ce sont des adoucissements passagers de l'existence, comme par exemple les procédés pour économiser le temps, qui malheureusement ne font qu'en précipiter le rythme, nous laissant ainsi moins de temps que jamais auparavant. Omnis festinatio ex parte diaboli est - toute hâte vient du diable -, se plaisent à dire les vieux maîtres.

Les réformes qui tiennent compte de l'expérience passée sont en général moins coûteuses et en outre elles sont durables, car elles retournent vers les voies simples et plus éprouvées de jadis et ne font qu'un usage très modéré des journaux, de la radio, de la télévision et de toutes les innovations faites soi-disant pour gagner du temps.'

(La Tour)

'Certes, l'Européen est persuadé qu'il n'est plus ce qu'il était dans le passé, mais il ne sait pas encore ce qu'il est devenu entre-temps. Sa montre lui dit que, depuis ce qu'on appelle le Moyen Âge, le temps et son synonyme, le progrès, se sont glissés en lui et lui ont enlevé ce qui ne reviendra plus jamais. Avec son bagage allégé, il continue sa pérégrination vers des buts nébuleux avec une accélération progressive. Il compense la perte de poids et le sentiment d'incomplétude qui lui correspond par l'illusion de ses succès : chemin de fer, bateau à moteur, avion, fusées qui, par leur rapidité, lui ravissent toujours davantage de sa durée et le transportent de plus en plus dans une autre réalité de vitesse et d'accélération explosives.'

(Voyages)

Philippe

Je ne vois pas ce qu'il y a de pessimiste dans ces propos, ils me semblent tout ce qu'il y a de plus réaliste (cf. manipulations génétiques).Durkheim aussi voyait une perte de repères pour l'homme moderne dans la société contemporaine. il est plus facile d'appartenir à une petite communauté dont on épouse les croyances qu'à une société éclatée, anomique, où l'individu est livré à lui même sur le plan moral

Auqmn : Ne nous laissons pas abattre !

Les propos de Jung sont réalistes en ce sens que toute découverte scientifique est potentiellement à la fois néfaste et bénéfique. Mais il ne souligne que les aspects nuisibles et les dangers -réels- que nous fait courir le progrès scientifique, alors qu'il est également source de bienfaits et d'avantages.

C'est cette attitude que je juge pessimiste : croire que l'humanité est incapable de faire face à ces dangers et va nécessairement y succomber. Bien sûr, cela ne se fera pas tout seul, il faut y mettre de l'énergie et faire des efforts, et avant tout il faut y croire, croire que l'on peut améliorer les choses au lieu de les regarder se détériorer.

En l'occurrence, ce qui m'inquiète le plus pour l'avenir, ce n'est pas les manipulations génétiques et les découvertes scientifiques dévoyées, mais d'une part la prééminence des vues économiques auxquelles sont sacrifiés les questions sociales et humaines, et d'autre part les flambées épidémiques d'intolérance ethnique ou religieuse (mais là je m'éloigne du sujet de ce forum).

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Commentaire de Pierre : Progrès (posté le 7/07/2001 à 09h30).

La question de lamodernité chez Jung n'est pas de savoir si le progrès technique est bon ou mauvais en soi. Puisqu'il s'agit d'une possibilité inscrite dans l'humain pourquoi ne pas l'explorer ?

En vérité, le problème qui se pose est celui de la signification ( su "sens" !) de l'existence humaine, tant individuelle que collective. Le "progrès" n'a apporté aucune solution aux souffrances morales et psychologiques de l'Homme, et ne l'a pas fait prgresser non plus vers plus d'humanité. Le citadin contemporain serait-il plus humain qu'un homme du Moyen-Age ?

Jung s'en prend à cet orgueil érigé en système qui a poussé nos historiens a développer implicitement cette idée.

Comme le disait Ivan Illich ("Une société sans école ?"), "nous sommes quelques uns à nous demander si l'homo faber est bien l'Homme véritable".

C'est bien sous cet angle là qu'il faut aborder l'idée jungienne d'homa maximus, ou Anthropos.

Commentaire de Eole : ckCCSigIovWxt (posté le 3/01/2013 à 18h46).

super soire9e, les vins e9taient au top et quelle varie9te9convivialite9, bonne huuemr tout e9tait au rendez vousun petit buffet bien appre9cie9 de tousne changez rien, vous organiserez bientf4t la coupe de France c est quand le prochain concours ?

Commentaire de Dortha : CqMVzLguuSTkgm (posté le 22/03/2016 à 13h19).

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Commentaire de Caiya : sLfhkQhUKYxh (posté le 23/03/2016 à 03h21).

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