5 - Les types psychologiques
AUQMN
Préliminaire : tu peux me donner un surnom, mais s'il te plaît ne m'appelle pas petite fleur . Cela me déplaît fortement et me met quasiment en colère (si tu te demandes pourquoi j'ai une réaction si hostile et si disproportionnée, sache que je m'interroge moi aussi à ce sujet).
La progression que représentent les 3 rêves me paraît évidente à présent que tu l'as mise en lumière, mais je devais pressentir leur signification puisque j'ai arrêté mon choix sur ces 3 rêves particuliers parmi de nombreux autres, et que je les ai présentés délibérément dans cet ordre (pourtant non chronologique pour les deux premiers).
A propos de A, U, Q et MN, si j'ai mentionné qu'ils avaient été initialement des personnages inventés dans une nouvelle, c'était à seule fin d'expliquer comment l'idée m'était venue d'identifier ainsi des divergences que je sentais en moi. Mais ils sont de vagues concepts, sans visage, et assez mal identifiés. Je ne m'amuse jamais à m'incarner en eux. Au contraire mes quatre mois imaginaires ont chacun une personnalité bien établie, une apparence physique, un passé (sur plusieurs siècles), une famille, des amis, des ennemis, etc. (avec des variantes selon l'histoire que j'invente). J'aime imaginer que je suis l'un d'entre eux et endosser son identité, vivre à sa place et éprouver ainsi des émotions très vives.
Tu me demandes de te parler d'eux. Ce n'est pas indélicat, ta requête est logique et je m'y attendais. Mais je ne veux pas. Je ne peux pas. J'évoque parfois leur existence - avec précaution - mais je ne les ai jamais décrits à quiconque, même à mes amis les plus proches. Ce serait exposer les aspirations que j'ai tues au monde et qui ont modelé cet espace imaginaire. J'ai peur de souffrir de la réaction des autres et de révéler ce qui est le plus vulnérable en moi. Je ne veux même pas dévoiler les noms de mes personnages. Comprends-tu ?
Pour en revenir à AUQMN, il ne faut pas concevoir ce nom comme une succession d'initiales ; il faut considérer le son qu'elles produisent ensemble, Ôkmn à peu près, ce qui est assurément plus humain que A-U-Q-M-N. Si tu préfères je puis l'écrire Auqmn.
A propos d'AUQMN, tu as effectivement saisi ce que je m'efforce d'expliquer assez maladroitement. Audre, Quadrell, Uterpe et MoiNoir sont les noms allégoriques que je donne à des forces que je sens en moi. Toutefois cette perception est assez confuse et leurs rôles ne sont pas clairement établis. Faire allusion à Auqmn me rappelle que je ne suis pas seulement Audre et qu'il faut que je laisse vivre les autres aussi. Il m'est plus facile de les décrire de façon allégorique.
Audre représente mon côté rationnel, la pensée logique, la volonté de tout analyser froidement, d'agir moralement (selon mon propre code moral) et d'atteindre un idéal inhumain de rigueur, de justice et d'ataraxie. C'est Audre qui tient le devant de la scène le plus souvent (=mon moi conscient) et empêche Uterpe de s'exprimer. Par Uterpe je me désigne plutôt sur le plan affectif. C'est peut-être la voix de ma sensibilité. Son opinion est parfois plus juste que celle d'Audre qui pourtant prévaut la plupart du temps. Uterpe proteste, se distrait avec les rêves, se querelle parfois violemment avec Audre et l'emporte encore plus rarement. Mais Audre est désemparé si Uterpe se retire complètement. Ensemble ils élaborent mes mondes imaginaires et alors Audre cesse d'usurper la place d'Uterpe.
Quadrell est le scribe, l'historien, qui consigne ce qui advient. Il n'intervient jamais à l'état conscient. Parfois Audre et Uterpe se tournent vers lui comme arbitre de leurs différends. Il exerce une certaine autorité sur eux et les rappelle éventuellement à l'ordre en cas de crise grave. Il a la haute main sur les rêves.
MoiNoir vit à l'écart des trois autres. Il est chétif, malheureux, furieux, agressif, hargneux, un peu lâche et enclin à s'apitoyer sur lui-même. En fait il veut désespérément qu'on l'aime et qu'on l'aide. Il apparaît rarement (lors de raids sur la conscience) et c'est alors Uterpe qui doit défendre Audre contre lui, car Audre peut se laisser abuser et ne rien objecter à la haine, à l'amertume et au découragement. Quadrell reste neutre à son égard.
Je n'ai pas pris la peine de structurer plus avant les relations d'A,U,Q et MN ni de leur assigner des tâches précises. J'ai conscience qu'ils existent en moi et j'essaie d'écouter leurs voix quand elles sont discordantes.
J'espère t'avoir fourni suffisamment de matière pour avoir le plaisir de lire sous peu tes commentaires éclairés.
Christian
Passionnant !
Ok, je ne t'appellerai plus ''petite fleur'' ... à moins que j'éprouve l'envie de déclencher chez toi une colère salutaire. Ah la colère, la rage ! c'est bon ! c'est du concentré d'énergie ! ça peut te remettre d'aplomb une femme blessée, en deux temps, trois mouvements !
La chronologie, on s'en fout ! Le Maître des rêves n'y accorde pas une importance démesurée. Quand je note mes rêves de la nuit, j'ai toujours beaucoup de mal à savoir lequel est le premier, le second, etc. ça c'est la raison qui reprend le dessus et qui veut mettre son ordre.
Pour tes 4 mois imaginaires, je comprends et je respecte complètement. Quand je lisais AUQMN, je faisais deux associations : 1) la syllabe sacrée, le mantra Aum ou Om à laquelle tu me renvoies en m'expliquant la prononciation Ôkmn et 2) oikumenê qui fait œcuménique, ce qui paraît cohérent avec ton désir de lire AUQMN comme une unité et non comme une succession d'initiales.
As-tu lu les ''Types psychologiques de CG Jung ? Après ce que tu viens d'écrire, je ne peux pas ne pas faire la relation entre les 4 forces que tu désignes par A U Q MN et les 4 fonctions psychiques de la typologie de Jung. : pensée, sentiment, intuition, sensation présentes dans chaque individu (attention aux sens des mots qui ne correspondent pas exactement à ceux utilisés communément). Les fonctions vont par couple d'opposés : pensée - sentiment et intuition - sensation. La fonction dominante, c'est celle qui est la plus utilisée par la personne en question, la plus développée, la plus affinée, elle définit son type. Son opposé est alors resté dans un état beaucoup plus archaïque, largement inconsciente et composante principale de l'ombre, chez toi c'est MoiNoir. Il me paraît clair d'établir la correspondance suivante : A - pensée, U - sentiment, Q - intuition, MN - sensation. Bien que, comme tu le dis, ce soit A qui tienne le devant de la scène le plus souvent, je penche pour faire de Q le maître de céans et voir dans A l'auxiliaire de Q. Ce qui ferait de toi un type intuition, introverti évidemment. Je me réserve de revenir sur cette hypothèse de travail.
Dans la longue marche de l'individuation, il s'agit de donner la place qui lui revient à chacune de ces fonctions, de réaliser la quaternité. Pour simplifier, on dira qu'il s'agit d'établir des relations harmonieuses entre les partenaires et notamment d'intégrer cet d'avorton de MoiNoir.
Auqmn : colère
Non, jusqu'à présent j'ignorais les types psychologiques selon Jung.
Ma conception de A,U,Q et MN m'est venue spontanément à mesure que j'écrivais ces nouvelles qui les mettaient en scène. Je n'ai pas cherché à les faire rentrer dans un système ou une structure.
Ainsi je serais du type intuition ? Cela ne m'avait guère frappée jusqu'ici. Mais il est possible que tu aies raison. La pensée prédomine dans mes rapports avec le monde extérieur et tyrannise le moi qui est en prise avec le réel. Mais dans mon espace intérieur, elle a une place plus limitée et laisse libre cours à mon imagination et à mes élans poétiques et littéraires.
La colère est salutaire si on peut l'exprimer et l'extérioriser. Pas si les eaux restent lisses en surface. Je me sens handicapée dans ce domaine. Je ne me suis jamais mise en colère extérieurement (pas même enfant car, à partir de l'âge de 3 mois, j'ai eu peur que mes parents m'abandonnent et pour les convaincre de me garder je me suis imposée d'être parfaite, une enfant modèle, docile et raisonnable, irréprochable). J'ai toujours serré les dents, ravalé des larmes de rage, et cherché à atteindre mon objectif par un moyen détourné. Et quand c'était trop intolérable, j'ai épuisé mon corps à la course ou à la nage, j'ai imaginé des personnages sanguinaires et écrit des poèmes très violents quand au contenu, mais on ne peut plus sages quant à la forme (alexandrins avec césure à l’hémistiche).
Je puis m'indigner, mais je ne sais pas me mettre en colère.
A+, grand arbre.
Au-delà ou en-deça de ces intéressants développements sur le sens à donner à ces cinq lettres, j’ose à peine proposer ici une lecture iconoclaste qui m’est venue sur la langue.
Phonétiquement, AUQMN peut aussi sonner comme : Au « Q » (è-elle) mène. C’est à dire que cette appellation conduirait, inviterait, à aller à l’opposé de la « tête », de l’intellect ; à aller vers la « sphère »( !) des instincts. En entrant dans un travail sur les rêves, par exemple.
Bon ! Le Diable est un oiseleur et je me suis laissé prendre par le charme infini de la Langue des Oiseaux qu’il a fait sonner à mes trop faibles oreilles.
Mea culpa ! Mea maxima culpa !
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