29 - La révolution culturelle se poursuit
Auqmn : Main mutilée
J'ai fait ce cauchemar cette nuit et j'aimerais beaucoup avoir votre avis.
Je suis sur l'autoroute. Ce n'est pas moi qui conduis. Je regarde défiler le paysage en pensant à autre chose, tranquille.
Je sais qu'il y a eu d'importants embouteillages et que la circulation était presque bloquée dans certaines zones du réseau autoroutier. Un bulletin d'information à la radio en donne l'explication : suite à une publicité pour un restaurant en Normandie, un très grand nombre de personnes se sont précipités sur place. C'est d'ailleurs cette station de radio qui a diffusé la publicité dans l'après-midi. Un journaliste interroge un expert quelconque et lui demande pourquoi les gens voulaient manger et ne se contentaient pas de discuter. L'homme répond en insistant sur la sensation et le lien avec la terre.
Je vois alors un kayak bleu et blanc sur la chaussée. Au moment où mon véhicule le dépasse j'aperçois une main ensanglantée. Je devine qu'il y a un cadavre dans le kayak. Je dis à mon frère de ne pas regarder. Quelques piétons sortent d'une grange au bord de la route et courent vers le kayak.
Je continue à regarder en arrière et je vois un homme assis dans une remorque légère tirée par une voiture. L'homme n'a qu'un bras. Je réalise soudain que son bras droit vient d'être arraché dans un accident et se trouve dans le kayak. Il semble hurler mais je ne l'entends pas. Je songe à la douleur qu'il doit éprouver et je me sens malade.
Brusquement je réalise que cet homme est mon frère. C'est un choc terrible et je me sens horriblement coupable de ne pas m'en être rendu compte plus tôt. Je suis complètement impuissante, il n'y a rien que je puisse faire pour l'aider ou pour soulager sa souffrance, ce qui me rend pratiquement folle. A présent, il est dans le même véhicule que moi. Je le regarde, horrifiée. En fait, il a encore son bras, seule sa main a été coupée dans l'accident. J'observe sa main et je m'aperçois finalement que son pouce est intact. L'index est sectionné au ras de la première phalange, les autres doigts un peu plus haut. Je lui dis que cela aurait pu être pire, qu'il a encore son pouce, qu'il aurait pu avoir toute la main coupée ou que nous aurions pu mourir tous les deux.
Néanmoins je suis sur le point de vomir. Je partage son sentiment d'horreur face à une perte irrémédiable et j'éprouve un sentiment atroce d'impuissance face à sa douleur.
Je me suis réveillée nauséeuse et bouleversée.
J'ai fait un autre rêve par la suite.
Quelqu'un me réveille. Il est très tôt. J'ai une fonction à remplir. J'entre dans une salle où sont présent un homme et une jeune fille que je connais bien et qui me sont tous deux sympathiques. L'homme a lui aussi une fonction officielle dans le domaine de la justice (comme moi). Il m'annonce que la jeune fille a avoué. Je la regarde, surprise. Elle a les yeux rouges. Je me demande pourquoi elle a parlé. Elle a tué une ou plusieurs personnes et va donc subir la peine de mort. Je suis peinée d'apprendre ce qu'elle a fait et encore plus peinée de savoir qu'elle va mourir.
Je l'emmène. Nous rejoignons des soldats et d'autres condamnés. Je sais que je pourrais la quitter ici mais je reste avec elle. Au cours du trajet, la surveillance des soldats se relâche et je lui permets de s'enfuir. Pour cela je lui donne mon blouson et mon sac à dos. Elle disparaît. Je me demande alors comment je vais récupérer mon sac à dos car il y a à l'intérieur des objets dont j'ai besoin.
Au moment de sa fuite, la jeune fille avait des traits asiatiques (pas au début du rêve). Une femme d'origine asiatique m'accoste dans le métro et me dit que mon sac à dos m'attend rue Balard (je ne suis pas certaine du nom de la rue, cela pourrait être aussi Lamart). Je lui demande un numéro de maison mais elle me répète simplement rue Balard.
Un soldat qui me regardait avec suspicion semble rassuré par le fait que je m'entretiens avec cette femme et porte son attention ailleurs.
Je veux rentrer chez moi. Je prends un train sur une ligne qui normalement n'est jamais desservie. Mais les circonstances sont exceptionnelles (c'est la guerre, ou bien la guerre est imminente, et le train est un convoi funéraire). Au cours du trajet, un homme exhibe une arme et prend tout le monde en otage. Cela ne m'inquiète pas le moins du monde car je sais que je suis dans un film et je trouve l'idée originale.
C'est vraiment le premier rêve (le cauchemar) que je voudrais comprendre, car il m'a profondément ébranlée.
Pourquoi cette progression cadavre - bras arraché - main coupée - doigts sectionnés ? On pourrait croire que le sentiment d'horreur diminue, mais au contraire il augmente car l'homme blessé m'est de plus en plus proche (au sens physique et affectif) : c'est d'abord un cadavre que je ne vois pas, puis un inconnu que je vois hurler et souffrir, ensuite mon frère, et finalement il est juste à côté de moi et j'ai sa main mutilée sous les yeux.
Philippe
L'homme répond en insistant sur la sensation et le lien avec la terre.
La première partie du rêve parle d'elle-même. Cela semble être une quête sentimentale qui te rattacherait avec la terre , la féminité.
Par contre la 2ème partie du rêve et le bras droit amputé indique que ta capacité d' action dans la vie concrète a été mise en échec, contrariée. Et puisque c'est le côté droit cela se rapporte à la raison. Est-ce le cas? Je ne pense pas qu'il faille accorder trop d'importance aux sensations du rêve.
Dans le second rêve la condamnation à mort est un symbole classique pour inciter au changement, la prise d'otage dans ce cadre relève de la symbolique érotique.
qu'en penses-tu?
Il est à noter que le sac à dos revient souvent dans tes rêves, comme si tu devais obligatoirement te débrouiller toute seule pour évoluer. Excuse-moi mais je n'ai pas le temps d'élucider plus d'éléments de tes rêves, à bientôt
Auqmn : Réponse
Bonjour Philippe,
>Cela semble être une quête sentimentale qui te rattacherait avec la terre , la féminité.
Cela ne m'apparaît pas aussi clairement qu'à toi (du moi pas l'aspect sentimental et la féminité).
> le bras droit amputé indique que ta capacité d'action dans la vie concrète a été mise en échec, contrariée.
Ton idée est logique, mais concrètement il ne s'est rien passé de tel. Au contraire. Je ne sais vraiment pas de quoi il pourrait s'agir.
>Il est à noter que le sac à dos revient souvent dans tes rêves, comme si tu devais obligatoirement te débrouiller toute seule pour évoluer.
En effet.
J'ai l'impression de m'être toujours débrouillée toute seule, d'avoir toujours tout affronté toute seule dans la réalité. J'avais le havre sûr de ma famille entre deux batailles, mais je savais ne pouvoir compter que sur moi pour faire face au monde extérieur.
Quand j'écris 'toute seule' cela signifie sans la compagnie d'un autre être humain vivant. Mais j'ai beaucoup lu et cherché à me protéger du monde en recourant à l'expérience des autres dans les livres.
Peut-être que 'me débrouiller toute seule' cela veut dire éprouver par moi-même.
David : Un cauchemar ???
Salut Auqmn :-)))
>Je sais qu'il y a eu d'importants embouteillages et que la circulation était presque bloquée dans certaines zones du réseau autoroutier. Un bulletin d'information à la radio en donne l'explication : suite à une publicité pour un restaurant en Normandie.
Le réseau autoroutier de tes sens est saturé. Du côté de la Normandie, un restaurant, manger; tout celà me fait penser au goût. Aux fruits de mer. (Christian a dit 'Fruits de mère' ???) Au cidre et au Calva.
> pourquoi les gens voulaient manger et ne se contentaient pas de discuter.
Mais pourquoi doit-on faire appel à ses sens et ne pas se contenter de penser ?
>L'homme répond en insistant sur la sensation et le lien avec la terre.
Et oui, Auqmn, nos sens font le lien avec la terre, la pensée, elle, le ferait plutôt avec les nuages (ou la montagne? :-))) ).
Tu vois un cadavre dans un kayak et des gens qui accourent d'une grange.
Pour l'instant, c'est un banal fait divers.
Puis le cadavre se fait bras et les gens, homme amputé; dans une remorque.
Enfin le bras se fait main et l'homme est ton frère et il est dans ton véhicule.
Plus tu es proche de cet homme (la gradation est valable au sens propre comme figuré: cadavre -- homme -- frère ou grange -- remorque -- ton véhicule), plus la gravité de sa blessure est relative mais plus tu te sens horrifiée et impuissante... C'est tout à fait normal.
Le pouce est intact, c'aurait pu être pire...
Maintenant, continuons la gradation, si tu le veux.
Au stade suivant, cet homme c'est toi, en toi-même, une partie de toi et cette main est aussi la tienne mais la blessure est encore moins grave (stricto sensu) même si elle fait encore plus mal.
Perte irrémédiable? Non, je ne le pense pas. Je crois plutôt que ce rêve est un appel à 'ressentir ta blessure' et non pas à l'intellectualiser, il te le propose et t'assure même qu'elle n'est pas 'grave' mais qu'elle fait mal...
Je m'arrête là; penses-tu toujours avoir fait un cauchemar??? :-)))
Auqmn : Oui, un cauchemar
Salut David :-)))
J'apprécie beaucoup tes commentaires, comme d'habitude.
>Le réseau autoroutier de tes sens est saturé. Du côté de la Normandie, un restaurant, manger; tout cela me fait penser au goût. Aux fruits de mer. (Christian a dit 'Fruits de mère' ???) Au cidre et au Calva.
OK, pourquoi pas ? (je n'aime ni les fruits de mer, ni le cidre, ni le calva et en réponse à Kriss la Normandie n'a rien de très évocateur pour moins, en tout cas rien d'attirant).
>Au stade suivant, cet homme c'est toi, en toi-même, une partie de toi et cette main est aussi la tienne mais la blessure est encore moins grave (stricto sensu) même si elle fait encore plus mal.
Oui ! Très juste. Je sens que tu es dans le vrai. Bravo.
Comme dans mon autre 'cauchemar' où l'image de l'enfant abandonné sur la montagne m'était insupportable, à nouveau le personnage qui souffre et dont la douleur me touche vivement n'est autre que moi-même.
Mais cette fois, la cause de la souffrance n'est pas indiquée.
Ou du moins pas clairement. Quel lien entre le kayak, la blessure et une affluence soudaine dans un restaurant de Normandie ?
> penses-tu toujours avoir fait un cauchemar???
Je ne suis pas sûre de comprendre ta question. Quelle est ta définition de cauchemar ?
J'ai désigné ce rêve sous ce terme car il était extrêmement déplaisant. En me réveillant je n'avais qu'une envie : penser à autre chose et oublier au plus vite ces images et ces émotions très pénibles. Mais au contraire je me suis obligée à le revivre pour en graver le souvenir en moi, car je sentais qu'il y avait un sens à saisir, comme pour n'importe quel rêve (et d'autant plus qu'il était si marquant). Il n'y a pas de 'mauvais rêves', de rêves néfastes, négatifs. Je n'aimerais pas le revivre mais si je le comprends l'expérience aura été positive.
David
>Salut David :-))) J'apprécie beaucoup tes commentaires, comme d'habitude.
Merci Auqmn, nous (je crois pouvoir parler pour une très large majorité des acteurs de ce forum), on apprécie beaucoup tes rêves et tout ce que tu en retires, ton évolution. C'est un très beau cadeau. Merci.
Tu n'es pas sûre d'avoir compris ma question mais tu y réponds mieux que je ne l'aurais fait. Pour aller plus loin, je dirais qu'une fois le message du cauchemar perçu, il perd une grande partie de sa capacité horrifiante pour laisser place au message qu'il contient, qui lui, si on l'accepte, est toujours positif.
J'ai envie de revenir un instant sur ton rêve pour en remettre une couche au niveau du message: N'intellectualise pas ta douleur mais accepte de la ressentir dans tes tripes. Alors, cette perte n'aura rien d'irrémédiable.
PS: Me permets-tu, à mon tour, de te demander ce que tu penses du lien que fait Christian entre Sapin et Mère? Si ce n'est pas trop indiscret, bien sûr :-)))
Auqmn : De l'utilité des cauchemars
A propos de cauchemars...
Je suis entièrement d'accord.
Du reste les sensations, aussi intenses soient-elles, s'estompent rapidement à mesure qu'on formule le rêve et qu'on en cherche le sens. Dès qu'on le comprend, le cauchemar est en quelque sorte désamorcé, privé de sa capacité d'assaut émotionnel, vidé de son 'mordant' affectif - qui ne servait du reste qu'à attirer l'attention. Il ne reste que le principal, le message, potentiellement bénéfique au rêveur.
> N'intellectualise pas ta douleur mais accepte de la ressentir dans tes tripes. Alors, cette perte n'aura rien d'irrémédiable.
Idée originale.
En réponse à ton PS sur l'association sapin - ma mère, Christian a vu juste. Il m'a fallu un peu de temps (et un rêve explicite) pour m'en apercevoir, mais il avait raison.
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