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Agir et être

Agir ou être ? C'est la question paradoxale qui se pose à chaque homme qui se sait engagé dans le Temps et qui sait, en même temps, qu'il sera " damné " s'il se laisse épuisé par la temporalité. La vie humaine est tension dramatique entre deux pôles antinomiques : le temps et l'éternité. Chaque homme doit trouver sa voie dans le monde et ancrer cette voie hors du monde. Il paraît souhaitable d'être acteur, de participer à la vie du monde, mais aussi de se ménager du temps pour la méditation sur le sens, pour l'approche de la transcendance.

Quand j'étais enfant, je ne comprenais pas pourquoi les hommes ne se consacraient pas totalement à l'essentiel, c'est à dire à résoudre le problème de l'existence du monde : pourquoi il existe quelque chose, ce que nous faisons sur la Terre, etc. … Il me semblait que si nous nous y mettions tous, au lieu de nous disperser dans une multitude d'occupations dérisoires, nous trouverions la solution. Sans aller jusqu'à cette extrémité, il me paraît indispensable de se garder un jardin secret où vivre son intériorité. Un équilibre - mieux : une complémentarité - doit être trouvé entre cette intériorité et la participation au monde. La proportion peut varier en fonction des époques de la vie, mais elle ne doit jamais être nulle pour un terme.

Il me semble qu'on doit pouvoir aller plus loin dans ce sens pour réduire l'écart entre ce qu'on est et ce qu'on fait, entre l'idéal et le quotidien, entre la matière et l'esprit. L'esprit ne commence pas à une certaine altitude, il est là dans l'acte le plus banal. Certes, des millions de futilités montent sans cesse à l'assaut de l'esprit pour le dévorer, mais l'esprit n'est pas l'esprit s'il n'est pas capable de découvrir toute la puissance que cette banalité recèle. C'est au sein même de l'action la plus violente ou la plus banalement quotidienne qu'il faut s'attacher à expérimenter l'esprit [Satprem]. Au fond, c'est au cœur de la durée - au cœur de l'action dans la durée - que le temps devient éternité et que la vie entre en notre immortalité, cette immortalité qui nous est personnelle et qui fait que je suis unique dans mon identité. L'homme n'a que l'immortalité qu'il mérite.

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