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Une ferme en mars

Posté par Raphaël Zacharie de Izarra le 16/03/2005 à 08h46.

Il pleut sur la ferme sarthoise. Les toits soupirent, les gouttières chantent leur ennui, dans la boue ruisselle une onde triste : le mois de mars prend parfois des allures sinistres dans les campagnes. La jeune fille regarde tomber la pluie maussade à travers les carreaux. Elle se sait laide, sans avenir, vouée à la solitude.

De la buée formée par les exhalaisons d'un pot-au-feu qui mijote voile les vitres de la fenêtre donnant sur la Misère : une basse-cour morne couverte de flaques. D'un geste las la jeune fille passe la main sur le carreau embué. Pour mieux voir l'enfer sous la pluie, peut-être.

Assis près de la cuisinière, ses vieux parents attendent en silence. Ils regardent dans le vide, la tête pleine des minutes qui passent. Le pot-au-feu semble être la seule cause apte à combler ces âmes pareilles à des souches. Le tic-tac de l'horloge séculaire tue à petit feu le temps qui s'étire, s'étire... La jeune fille regarde toujours la basse-cour trempée. Figée devant la fenêtre, elle n'entend plus le sempiternel tic-tac du cercueil derrière elle. Et ce pot-au-feu haï, exécré, abhorré qui suinte la torpeur, la province, les habitudes... Ce satané pot-au-feu, trésor des hospices qui réjouit la vieillesse et afflige les anges...

Prend-elle pleinement conscience à cet instant précis du malheur de sa vie ? Après un long soupir, comme possédée par une folie libératrice, elle hurle de toutes ses forces face à la fenêtre honnie !

Puis sort devant les vieillards hébétés, cours devant les étables, quitte la ferme, cours encore à travers champs, longtemps, fouaillée par les éléments, déchirée par les ronces, enfin s'arrête, essoufflée, la tête levée vers le ciel, le visage luisant de pluie et de pleurs mêlés, et dans des sanglots profonds, déchirants, s'adressant aux nuages :

- Emportez-moi, amis d'en haut ! Emmenez-moi dans vos hauteurs tourmentées et magnifiques ! Laissez-moi vous chevaucher, prenons ensemble la direction de l'éternité, chers voyageurs célestes ! Faites-moi oublier mes sabots, vous qui avez des ailes. Faites légère ma vie. Ne voyez-vous pas que je traîne de la boue à mes semelles ? Peuplez mes nuits de rêves splendides, car en plein jour je ne songe plus au bonheur... Accordez-moi une seconde chance vers les astres, puisque je m'enlise en cette terre où tout meurt autour de moi. Je suis laide, je suis seule, je suis damnée, aimez-moi au moins un peu, vous les nuages ! Aimez-moi, vous qui passez si haut au-dessus de la ferme où pour ma peine j'ai vu le jour ! Aimez-moi une fois, au lieu de me punir encore de vos larmes moqueuses !

La fièvre retombée, l'hystérie passée, son chagrin déversé dans le ciel sourd, ses espoirs semés au vent inutile, sa prière envolée vers les nuages impassibles, l'éplorée tristement s'en retourne vers la ferme, trempée, grelotant, résignée, le pas plus pesant que jamais. Là-bas deux vieillards l'attendent. Certes secoués mais ne se départissant pas de leur solide sens des réalités : au retour de leur fille, ils la réconforteront avec les moyens à leur portée.

Avec un peu de chance, le pot-au-feu sera encore chaud.

Raphaël Zacharie de Izarra



Commentaire de tony : Vaisselle (posté le 16/03/2005 à 12h38).

La pluie et les pleurs ne lavent jamais que la saleté en surface.

Cette jeune fille qui peut-être Le Monde, qui peut être ma mère, qui peut-être ma soeur, qui peut-être moi-même est tellement isolée.

Il me semble que l'identité à besoin de quelque reflet pour être efficace ; peut-être le premier travail de cette jeune fille est-il de s'en aller trouver des êtres semblables à elle ? C'est à dire des êtres qui seront réceptifs intuitivement à son désir, avant qu'elle l'identifie déjà.

Commentaire de GLAD : LA FILLE A LA FENÊTRE (posté le 23/04/2005 à 06h21).

Comme il est intéressant et surtout captivant de réaliser que le hasard n'existe pas enfin pour moi je regarde ce texte parce que je suis mon feeling et ce texte réflète ce que je vis présentement, cette peine enfouie ne sachant quoi faire pour qu'elle s'étende sur le chemin de la cour non loin du bâtiment ou s'y glisse un rayon de soleil caressant l'herbe apparaissant légèrement annonçant l'approche de l'été il y aurait a se refortifier, juste d'y penser mais qu'est-ce un été sans ceux que l'on aime ou que l'on aimerait aimé, mais le temps les a déjà pris avant soi, avec lui les a apporté sans aucune gêne ne se souciant que de lui-même.Est-ce que le temps est heureux? Je vous assure que non car il a passé si vite qu'il a oublié qu'après la pluie viens le beau-temps, il sera obligé de revenir sur ces pas pour reconnaître a quel point il peut être beau et qu'il a privé de sa couleur des gens qui ne veulent que s'associer avec lui pour enfin prendre le temps d'aimer. Glad

Commentaire de Raphaël Zacharie de Izarra : Au piano (posté le 27/04/2005 à 08h57).

Au piano

Le dandy est penché sur son piano, mélancolique et las. Le salon sent les vieux meubles. Une odeur de moisi illustre et de boiseries solennelles. La scène se passe en juillet 1830 à Saint-Cloud dans une belle demeure qui longe le fleuve parisien. Par la fenêtre ouverte s'insinuent les bruits de la belle saison.

L'époque est à la découverte de la photographie, à la bataille d'Hernani, aux prémices du romantisme, à la vapeur... Dans ce monde les nouvelles arrivent à la vitesse du galop, mais guère plus vite. L'on mange encore du pain noir dans les campagnes, le vrai pain noir de la terre. Dans Paris crotté c'est encore les petits quartiers moyenâgeux, et le grain se moud dans les hauteurs de Montmartre.

Après avoir ôté ses gants blancs, l'esthète assis devant l'instrument entame une profonde mélodie. Très inspiré, la moue blasée, il joue. Dans de longs soupirs, l'auteur effleure l'ivoire avec détachement. Virtuose et éthéré.

Avec son air triste et digne, ses gants fins et sa toilette élégante, n'incarne-t-il pas l'éternel MYTHE ce joli ? On l'aime cynique et tendre, hautain et racé, distingué et insolent !

Faisons un bond en avant de plus d'un siècle et demi. La scène se passe au Vieux-Mans (autant dire dans le quartier choisi de la cité, réservé aux gens d'esprit). Depuis sa tour d'ivoire un autre esthète aux dehors plus sobres est penché sur son clavier. Il a la même expression, la même attitude arrogante et désabusée que notre héros évoqué plus haut, sauf qu'il pianote sur son clavier d'ordinateur.

Il se croit dans le même monde que son double du siècle légendaire : il voit des chevaux à la place des voitures, des paysans en sabots au lieu des conducteurs de machines, des moulins à vent et non des distributeurs automatiques... Même son clavier d'ordinateur, il le prend pour une plume avec de l'encre ! Mieux encore : il se prend pour ce dandy d'une époque révolue, assis devant son piano à Saint-Cloud dans une belle demeure sise au bord de la Seine...

Tel que je suis, me voici présenté.

Raphaël Zacharie de Izarra

Commentaire de Raphaël Zacharie de Izarra : LA "MERE VIEILLE" (posté le 19/10/2006 à 12h07).

On l'appelait ironiquement "la Mère Veille" (la mère qui veille), lorsqu'elle gémissait certaines nuits dans son fauteuil.

Ou plus méchamment "la Mère Vieille", à cause de ses rides hideuses.

La "Mère Vieille" était une de ces ombres décharnées issues de la fin du XIXième siècle qui traversent notre enfance et que plus tard nous évoquons avec une nostalgie mêlée d'horreur, nous la génération choyée née sous les ailes de l'opulence. Dans les années 1970, en effet, existaient encore de vraies reliques du siècle précédent -quasi centenaires- qui portaient en elles tout un monde révolu. Ces fossiles humains croupissaient dans les hospices : on pouvait les voir lors des sorties réglementaires aux abords de ces établissements de charité où ils avaient choisi -ou pas- de finir leurs jours.

Du plus loin que je me souvienne, ce fantôme continuellement agonisant dont j'ignorais d'ailleurs le véritable nom n'était qu'un pitoyable pantin de chair morte, une pauvre vieille femme sénile, une misérable rescapée de la tombe -laquelle semblait ne jamais parvenir à la happer parfaitement-, une morte-vivante oubliée du monde, reléguée dans un coin de l'hospice. Quand à cent ans et des poussières elle rendit l'âme, j'en avais dix.

Pour moi ce spectre catarrheux avait toujours été la "Mère Vieille" ou la "Mère Veille".

Je me ressouvenais mollement de ce triste oiseau de mon enfance, l'autre soir avant de m'endormir. Dans mon demi-sommeil je me demandais dans quelles limbes avait bien pu échouer cet être plein de misère, trente ans après sa mort... Je m'endormis sur ces pensées.

C'est alors que je fis un songe étrange : je partais à la recherche de la "Mère Vieille".

J'errais dans une nuit imaginaire pensant retrouver la vieille femme de mon enfance, quand un ange m'apparut. Je fus ébloui par son regard plein de force et de gloire. Son visage au sexe indéfini dégageait une noblesse inouïe. Il me demanda qui je cherchais aussi follement en plein rêve...

- Je cherche celle que l'on surnommait la "Mère Vieille" quand j'étais enfant. Qu'est devenue cette pauvre vieillarde malade dans l'autre monde ?

Éclatant dans son habit de lumière, l'ange me regardait toujours avec insistance, une flamme au front. Je répétai :

- Je cherche cet humain déshérité qu'on évoquait sans douceur jadis et que tout le monde a oublié aujourd'hui. Qu'est devenue cette pauvre âme ?

Sur ces mots l'ange dégagea un éclat de plus en plus intense.

Juste avant que je ne me réveille de ce songe troublant, dans un état de conscience suprême et fulgurant je saisis le sens et la profondeur de la réponse codée qu'il me fit :

- Je suis l'âme vermeille.

Raphaël Zacharie de Izarra

raphael.de-izarra@wanadoo.fr

Commentaire de Sylvie : COMMENTAIRE: cet utilisateur n'exitse pas (posté le 13/12/2006 à 14h46).

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Commentaire de Sylvie : Ce n'est qu'un MENSONGE de plus des webmasters qui ne sont plus à ça près.. (posté le 23/12/2006 à 00h55).

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