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33 - Numinosité de l'infini

Auqmn : Confrontation avec l'infini

Je soumets à votre perspicacité un nouveau rêve marquant, qui m'a réveillée au milieu de la nuit, avec le ventre noué (mais cela n'avait rien d'un cauchemar). Simplement le rêve était très intense.

L'élément le plus important de ce rêve est un axe logarithmique vertical qui sert à mesurer le phosphore. Je peux me déplacer le long de cet axe, vers le haut ou vers le bas, par ma seule volonté, et ce à travers les obstacles (comme si je n'étais pas sur le même plan, dans la même dimension que les objets réels).

Mon rôle est de mesurer une quantité de phosphore, ce que je fais en m'élevant le long de l'axe. Un groupe de personnes attend anxieusement mes résultats.

Je m'amuse à monter très haut et à plonger très bas, en dessous de la 'réalité' = ville moyenâgeuse, pendant la nuit, maisons à colombage, hautes façades, toits très pentus.

Je m'aperçois soudain (j'ignore comment) que l'axe est infini, qu'il n'y a ni limite supérieure, ni limite inférieure, que je peux filer comme une flèche vers le haut, de plus en plus vite, sans jamais rencontrer la fin de l'axe, et pareil vers le bas, je peux me laisser tomber comme une pierre, je n'atteindrai jamais 0 (les extrémités de l'axe sont 0 et l'infini, et non moins et plus l'infini).

C'est extrêmement déroutant comme impression.

Le groupe de personnes dans la maison à colombages ne veut pas me croire. Ils me disent qu'il y a une limite supérieure à 60 000. Je vais voir (ie je m'élève) et effectivement je rencontre un plafond blanc. Mais je songe que ce n'est qu'une illusion et, en effet, il disparaît, et je m'élève bien au-dessus.

Cette certitude que l'axe est infini (une sorte de révélation) provoque en moi une réaction mitigée : d'une part une sensation grisante de liberté, un sentiment de puissance, et d'autre part un profond malaise, la perte de tous mes repères. Ce qui me déroute le plus, c'est que l'axe n'a pas d'origine (vers le bas). J'ai l'impression que la réalité n'est étayée sur rien.

C'est tout.

Cette description peut paraître anodine, mais le rêve était très chargé émotionnellement. J'ai l'habitude depuis des années de manier le concept mathématique d'infini, mais cette nuit j'ai éprouvé 'avec mes tripes' ce que c'était que l'Infini. Et je vous assure que c'est troublant.

Peut-être est-il judicieux de rapporter ici la première association qui m'est venue à l'esprit au réveil, alors que j'étais encore toute enveloppée des images et des sensations du rêve : cette 'révélation' que l'axe était infini était comme l'ouverture d'une porte, d'une petite porte latérale sur un grand sablier, de sorte qu'une portion du sable s'écoulait désormais vers l'extérieur au lieu de s'écouler dans la moitié inférieure.

Encore une chose : lorsque je parcourais l'axe vers le bas, à partir de l'instant où je plongeais 'sous la réalité' (l'image de la ville), j'évoluais dans l'espace, et je m'éloignais de la Terre.

biloulou : wouawwww !

Bonsoir AuQmn,

J’étais très impatiente de découvrir ton prochain rêve et là, à sa lecture, c’est un tout grand ‘wouawwww’ qui m’a échappé !

Je crois bien que tu es très loin de la régression dans laquelle Philippe voulait, il y a peu, te faire croire que tu plongeais !

Et je me réjouis encore plus, à présent, de lire les impressions que ton rêve induira chez les autres.

Je dispose ce soir de très peu de temps (ça arrive à tout le monde) mais je n’ai pu résister à la tentation de partager les quelques impressions que ton rêve a produites instantanément chez moi.

On dirait bien, comme tu le dis d’ailleurs, que tu as reçu là une révélation enivrante : tu peux te libérer du marasme (la nuit), des règles et structures trop rigides (colombages), de l’image de toi que tu offres aux autres (hautes façades), du qu’en-dira-t-on (le groupe de personnes qui attendent tes résultats).

Et il y a cette limite que les autres t’annoncent de façon chiffrée (rigoureuse, exacte, à accepter sans rechigner) et que tu vérifies malgré tout pour découvrir qu’elle n’est pas si infranchissable, si précise,… et que tu peux la dépasser.

La sensation de perte de tes repères est… normale ! Ressentir dans ses tripes la notion d’infini que depuis si longtemps tu manipules ‘intellectuellement', croyant en avoir fait le tour, c’est une fameuse expérience !

Où situer ton passé, ton présent, ton avenir, sur un axe infini ? Difficile non ? Pas d’origine, pas de fin… un voyage continuel le long de cet axe, une nouvelle façon de voir, ressentir, ton parcours, ta vie ?

Le phosphore : mets-le au contact de la lumière et il l’emmagasine pour la rendre dans la nuit. Tu le mesures, tu mesures ta capacité à restituer au moment le plus opportun la lumière que tu as reçue.

À bientôt et au plaisir de lire tout ce qui s’échangera à propos de ce récit et de tous les autres !

Alain : L'axe du monde

Bonjour Auqmn,

J’aimerais bien que Jung soit là pour nous aider à comprendre toute la profondeur de ce rêve. Ma culture et mes connaissances des symboles me paraissent ici bien limitées. Je vais quand même tenter quelque chose.

Comme le dit Biloulou, le phosphore c’est la lumière ; la vérité, la connaissance, la conscience. Pour l’évaluer tu voyages sur un axe logarithmique qui offre une croissance rapide expansive. Cette nouvelle connaissance que tu explores se fait par un axe, l’axe du monde qui unit le ciel et la terre, le spirituel et le matériel. Qui a trouvé l’axe du monde a trouvé son centre. Le temps et l’espace n’ont plus de prise et tu te promènes là-dedans librement, je dirais qu’en dehors du temps et de l’espace tu te retrouves dans un temps divin, un peu comme aux origines de la vie où le temps n’existait pas et que toute vie agissait en fonction du créateur (du Soi). Or, tu demeures bien consciente et c’est cette conscience que tu dois mesurer.

On te dit que tu ne peux dépasser 60 000, mais, toi, tu le dépasses. Si du 60 000 on prend le chiffre 6, je pense aux sept cieux. C’est comme si tu atteignais le septième ciel. Je crois (je n’en suis pas sûr) que le sixième ciel est le monde du rêve et du contact avec l’inconscient. Le septième ciel serait une sorte de pluie qui est abondante et bienfaisante pour l’ensemble de la nature (et de la psyché).

En gros, je dirais que par ton corps tu rejoins une conscience plus grande et que tu atteins un nouveau centre axé autant sur les hauteurs que sur les profondeurs. C’est une promesse d’une vie plus riche et plus généreuse. Cela t’ébranle certes, mais je voudrais bien être ainsi secoué. Tu as vraiment eu une révélation… je ne veux toujours pas te convertir ! Une image forte du Soi s’est présentée à toi dans un temps divin.

J’y reviendrai peut-être si je trouve autre chose. J’ai rarement vu un rêve aussi puissant symboliquement et je sens qu’il y aurait tellement à dire sur les profondeurs que tu as touchées. Tu pourrais nous en apprendre beaucoup, même si tu es athée, sur la spiritualité et la mystique. (Bien des mystiques auraient voulu voir le dixième de ce que tu as vu).

Christian : La qualité vibratoire de l'observateur détermine ce qu'il voit

Ton rêve me renvoie à une idée que j’avais eue il y a quelques années. J’avais imaginé qu’il serait intéressant d’ajouter une dimension supplémentaire à l’espace spatio-temporel qui sert à décrire la réalité, de manière à tenir compte de l’état de l’observateur. Pour simplifier, je décrivais l’état de l’observateur par une fréquence vibratoire, et je me disais que suivant la qualité vibratoire de l’individu, il voyait telle ou telle chose de la réalité, et bien évidemment tout l’intérêt de mon modèle découlait du fait que l’observateur, comme toi dans ton rêve, pouvait se déplacer le long de cet axe. D’un point de vue géométrique, cela donnait une structure d’espace feuilleté, où chaque feuille correspondait à un espace-temps. Cet axe était comme une gamme musicale, ce qui est tout à fait en cohérence avec l’échelle logarithmique que ton rêve a mis dessus. Et je me dis maintenant, en te lisant, que suivant à quel rythme on phosphore, on carbure, on vibre, on peut se déplacer entre 0 et l’infini et voir des choses complètement différentes.

Les gens d’en bas, le commun des mortels, croient qu’il y a une limite supérieure que l’homme ne peut pas dépasser. Il la fixe à la côte 60 000. Ce qui est amusant, c’est que le 60 dans le Yi King, c’est précisément l’hexagramme de ‘’la limitation’’. Tu vois au passage que ton inconscient connaît ce vieux livre chinois, ce qui ne m’étonne pas en raison de toutes les femmes asiatiques qui apparaissent dans tes rêves :-)))

Ton rêve te dit qu’il n’y a pas de limitation à l’élévation de ‘’point de vue’’ ou de ‘’qualité vibratoire’’ de l’homme. Cela c’est fabuleux, cela revient à dire que l’homme a vocation à devenir un dieu. :-))) Tu en as éprouvé le vertige dans ton rêve. C’est une très belle expérience qui se suffit, me semble-t-il, à elle-même et qu’il ne faut pas chercher à interpréter.

Auqmn

J'approuve l'idée de la dimension de l'observateur, mais je voulais juste te dire que dans mon rêve, aller vers le bas (je plongeais "sous la réalité" et je me retrouvais dans l'espace interplanétaire) était aussi important qu'aller vers le haut (tout était blanc et vide).

J'ai l'impression que tu privilégies ma capacité à m'élever, or l'infini vaut dans les deux sens. Les gens de la réalité, ce ne sont pas 'les gens d'en bas' mais les gens du milieu. Ils représentent un intervalle fermé, l'acceptation des limites, la finitude.

Christian

>J'ai l'impression que tu privilégies ma capacité à m'élever, or l'infini vaut dans les deux sens. Absolument pas, je ne privilégie pas le haut

> Les gens de la réalité, ce ne sont pas 'les gens d'en bas'mais les gens du milieu. Ils représentent un intervalle fermé, l'acceptation des limites, la finitude.¨

Parfaitement d'accord avec toi, mon expression n'était pas heureuse, mais nous sommes d'accord sur le fond.

Je crois que tu as raison au sujet de ma rencontre onirique avec l'infini. Je n'ai finalement pas envie de disséquer le rêve, mais simplement de conserver précieusement le souvenir de cette "révélation", de cette expérience intense où tout était à ma portée.

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Commentaire de Pierkiroul : Phosphorer intensément (posté le 17/10/2008 à 23h33).

A tort ou à raison, le ventre noué d'Auqmn et l'aspect "stratosphérique" de ce rêve me ramènent à ce commentaire de Jung que l'on trouve dans "Les rêves d'enfants - Séminaires tome 1" publié chez Albin Michel (éd..2002):

"...C'est une allusion au milieu du corps, à la région de l'estomac, à partir de laquelle on est nourri. C'est en même temps le siège des fonctions végétatives du corps, le plus grand rasssemblement de ganglions sympathiques. Cette région joue toujours aussi un rôle en tant que centre du corps, dans le plexus solaris.

Le corps se fait toujours remarquer lorsque est présente une intuition dont la portée va au-delà du corps. Il se rappelle au souvenir du sujet quand l'imagination menace de se perdre dans l'inconscient, de s'élever jusqu'à la stratosphère." ( C.G.Jung )

Quant à la mesure du phosphore à l'aide d'une échelle logarithmique, il me suggère que l'on peut pousser très loin la spéculation intellectuelle, qu'on peut phosphorer beaucoup, voire à l'infini sur les réalités intérieures (ou "extérieures") et, qu'en effet, cela peut procurer un sentiment de puissance, une ivresse exaltante, mais également un malaise qui témoignerait alors de la réaction "tripale" bienvenue tendant à nous ramener à nos terrestres limites d'individu incarné, à nos repères ordinaires (60.000, mille fois soixante, cela évoquerait-il l'urgence qu'il y a retrouver "la limitation" - voir le Yi King-)

Si la réalité est représentée par une ville moyenâgeuse, serait-ce parce qu'à cette époque, la plupart des gens, dont peut-être les ancêtres d'Auqmn, ses racines, menait une vie assez simple et rustique, loin des envoléees intellectuelles... ? Si les toits pentus des maisons sont soulignés, peut-on penser qu'il suggèrent d'abondantes précipitations tombant à leur heure et à leur rythme du ciel intérieur sans mise à contribution excessive de l'intellect ?

Est-ce là une lecture réductrice de ce rêve...?

Commentaire de Pierkiroul : Précision (posté le 18/10/2008 à 07h32).

J'ai relevé ce commentaire de C.G.Jung dans l'ouvrage cité, au chapître 4. Rêve du lion, du pain et du miroir magique -

Commentaire de Roby : eVhwaQyKHxK (posté le 23/07/2011 à 00h36).

Super ifnormaitve writing; keep it up.

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