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Billet d’humeur n°15 - 19 décembre 2002

La chaîne des yeux

La renarde, Féminitude, de Monique GRANDE, illustrations de Myrrha, éditions Le Souffle d'or,           Cliquez pour agrandir

Tu as posé ton regard sur moi et mon vieux prisme ébréché qui ne laissait passer que les ombres a éclaté en miettes. Deux yeux posés sur moi ; fait banal ! Mais ce regard - le tien - a fait germer en moi un nouveau cristal. Désormais, les couleurs de l'arc-en-ciel illuminent mon ciel intérieur.

Ton regard posé sur moi, je l'entends résonner en mon âme, sa voix murmure : "Je te vois. Je te vois au fond. Mon œil traverse tes boucliers, il perçoit tes peurs, il sourit de tes esquives. Il démasque tes fuites et il devine tes errements. Il sait ta force. Il suscite tes rêves, il anticipe tes intentions, il te soutient dans l'émotion. Il te conduit sur le chemin de la confiance."

Quand tu n'es pas là, ton regard posé sur moi, lui, est toujours là. Il est présence, il est silence, il est amour. Je le porte en moi et, à nouveau, en écho dans mon cœur, j'entends "Viens, viens à loisir, viens puiser en moi ce qui est bon pour toi. Puise, puise tant que tu veux. Plus tu puises, plus tu me nourris. Jamais tu ne m'épuiseras.".

Ton regard posé sur moi a changé mon propre regard que je portais sur moi. Oui, vois-tu, j'ai répondu à ton invitation. J'ai osé laisser mes protections, j'ai osé la transparence, j'ai osé être moi. Nue, oui nue, j'ai pleuré en acceptant mes richesses et j'ai souri en accueillant mes souffrances. J'ai cru en toi. Je t'ai cru et ma souffrance accueillie ne m'a pas brisée. Me voilà capable de réaliser mes rêves.

Un certain silence m'habite maintenant, il a ouvert en moi un espace qui me semble infini ; l'amour est là, au fond, dedans, partout. Et toi, porteur du sens, tu m'accompagnes.

Ami, garde-moi ton regard posé sur moi, ce regard qui a ouvert mes yeux que je pose à présent sur chacun autour de moi.

Commentaires du billet d'humeur n° 15





Citation du mois



Quand je porte sur l'autre un regard amoureux, je lui révèle sa nature profonde, je le rappelle à son identité véritable. Comme il est dit dans le chant d'Hakuin : " Tu erres parmi les mendiants sans te souvenir de qui tu es. " Le regard de celui qui m'aime, ce regard qui voit en moi ce que je suis dans ma profondeur me place dans ma royauté, me remet dans la lumière originelle.

On dit souvent de l'amour qu'il est aveugle, il est visionnaire. Il voit ce que les autres ne voient pas. Il voit derrière les apparences, derrière toutes ces protections que je me suis constituées pour protéger mon cœur. Pendant toute la vie, je suis menacée de toutes parts, par mes éducateurs, et tous ceux qui veulent m'imposer leurs vues. Je me protège toute une vie durant. Mais le regard qui m'aime fait fondre toutes les carapaces dans lesquelles je me suis cachée autrefois pour survivre.

Et pour finir, l'amour est là, bien sûr, pour nous révéler que " Dieu n'est nulle part ailleurs que partout ", que dans chaque être qui me rencontre sur cette terre, dans chaque regard qui me croise. L'amour est là pour nous dire : dans chacun des êtres que je rencontre, je Te rencontre. Cette expérience de l'amour et de la passion dans nos existences, Maître Eckhart la décrit quand il fait dire à Dieu : " Il n'y a pas de place pour deux en toi, je ne peux entrer que si tu sors. ". C'est ce que nous ressentons dans une passion quand nous sommes évidés comme un tronc d'arbre par la foudre, quand il ne reste plus rien en nous que ce vide béant et vibrant. La présence de l'autre. Cette expérience absolue du sacré. Cette expérience mystique - puisque la rencontre de l'homme et de la femme est de la même nature que la rencontre de l'âme et de Dieu.

Christiane Singer, Du bon usage des crises




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