Mérelle.net, l'aventure intérieure

11 - Quand on croit que c'est fini ...

Récit de Pierre

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Le retour

Alors que je suis sur le chemin du retour, je passe naturellement un coup de téléphone à Elle pour faire le point sur le travail et lui demander de me préparer le dossier d'un de nos clients que je dois voir durant le week-end. Petite voix, elle est là, triste, elle allait m'écrire. Finalement, elle vient à ma rencontre. Elle me parle de sa nervosité du samedi. Elle me raconte qu'avant hier soir, elle a pris conscience d'un manque et que ce manque c'était moi, qu'elle avait besoin de ma présence et que ne pas m'avoir lui a causé un grand chagrin. Elle a pris conscience qu'elle m'aimait et qu'elle était en train de passer à côté d'un grand amour de ma part. Ma sincérité l'impressionnait beaucoup, ainsi que mon authenticité. Mots gentils, étreintes, moments délicieux, consécration, surprise totale, échange fort et changement de perspective total pour moi. C'est trop beau pour être vrai.

Arrivé chez moi, j'interroge le Yi King, je lui demande son appréciation sur cette aventure avec Elle ? L'oracle répond " 28, la prépondérance du grand " qui se transforme en " 47, l'accablement (l'épuisement) ". Je comprends le 28 comme un monde qui s'écroule : la poutre maîtresse cède sous le poids, la force intérieure est submergée par le faible à l'extérieur. Quant au 47, le " livre qui parle " me dit qu'il s'agit d'une situation où l'on se sent las, angoissé, coupé de tout et que dans cet accablement se cache mon propre pouvoir de réaliser le tao, hors des contingences collectives qui m'entravent. Un changement m'est imposé, je dois l'accepter et demeurer fidèle à moi-même. Ne pas communiquer, rester en soi, chercher son centre.

Cet oracle me fait l'effet d'une douche froide. Que se passe-t-il ? que va-t-il se passer ? A peine j'entrevois un peu de bonheur, que l'oracle annonce que le monde va s'écrouler et que je vais être vidé de ma substance.

L'oracle est particulièrement dur et inquiétant, j'y lis un pessimisme intégral. Je veux protéger Elle de tout ça, je ne veux pas d'un massacre des innocents. Je redemande au Yi King de me guider pour faire face à cette situation nouvelle. La réponse cette fois est " 50, le chaudron " qui devient " 7, l'armée ". Je comprends que je dois faire mijoter le problème dans le chaudron (50) et organiser une masse confuse, mettre de l'ordre dans mes idées (7). Pas de précipitation donc, il me faut gérer proprement la situation, pas d'exaltation et de projets pour l'éternité. Le moment de l'amour est un moment fragile, il a une durée de vie limitée. Laissons mijoter, faisons connaissance avec l'autre, profitons des instants de bonheur qui nous sont accordés : Carpe Diem !

Quelques jours après, l'embellie est terminée, de gros nuages noirs planent sur notre relation. J'interroge le Yi King : " Me voilà à nouveau ici, l'aventure est-elle terminée ? que dois-je en faire ? qu'ai-je eu à apprendre ? ". La réponse vient : " 48, le puits " qui devient " 11, la paix ". Ma rencontre et ma relation avec Elle ont creusé ce puits, cette blessure dans mon cœur. Plaie béante et qui le restera, dans laquelle amour et souffrance sont intimement liés. Cette plaie est comme un puits dans lequel coule une source de vie. C'est en elle que je trouve la source de mon humanité : amour et compassion pour les autres. Anne, mon anima, est la reine de ces lieux, elle officie en qualité de médiatrice. Au sortir de l'expérience, je me retrouve semblable au pélican des alchimistes qui nourrit ses enfants avec le sang qui coule de son coeur. Elle est l'artisan de ma transformation, elle s'identifie à ma blessure et à Anne qui l'habite. Cette acceptation de ma blessure dans laquelle je puise amour et compassion, doit me permettre d'accéder à un état supérieur de paix qui intègre amour et souffrance.

Au cours de la nuit qui suit, je fais un rêve : "Elle part en voyage au Japon pour son anniversaire. Nous sommes à un carrefour en ville, arrêtés avec d'autres en attente de traverser la route, Elle et moi nous nous sommes séparés. Chacun part de son côté. Elle se fait accoster par 2 arabes qui commencent à la draguer, l'invitent chez eux pour prendre un verre, ils rient ensemble, elle entre dans le jeu et répond que s'il y a du pastis c'est envisageable, l'un d'eux l'embrasse dans les cheveux.". Elle est toute entière dans cette dernière scène : disponible pour entrer dans la relation avec l'homme. Elle a justifié son refus de l'enfermement dans une relation par sa volonté de conserver sa liberté, d'être disponible pour entrer en relation à tout moment avec qui elle veut. Elle tient à son statut d'éternelle voyageuse, en même temps qu'elle avoue avoir fait le tour de la liberté et rechercher une vie de couple. Elle se nourrit de la drague, n'ayant que des aventures courtes, dans l'attente et la recherche de l'autre qu'elle ne trouve jamais, apparemment parce que Mecbeth les casse tous, les uns après les autres, dès qu'ils ont été un peu consommés. Tout se passe comme si Elle était toute dans cette recherche d'amants et que lorsqu'elle en trouve un, telle une mante religieuse, Mecbeth la pousse à le manger.

Je suis très triste pour Elle. La savoir seule, sans personne de solide et d'intéressant à qui se raccrocher m'est très douloureux. Je voudrais pouvoir l'aider, pouvoir l'aimer, mais je ne sais que faire. Je me sens complètement impuissant et c'est elle qui en porte le poids. J'interroge le Yi King : " que puis-je faire ? ". Réponse : " 49, la révolution, la mue " suivi par " 15, l'humilité ". Je comprends que je dois faire preuve d'humilité : je ne peux pas porter le monde entier, ni même mon entourage proche, je dois faire confiance au Ciel. Je prie pour que les êtres qui me sont très chers soient tenus dans la main de Dieu. Je comprends aussi que je suis condamné à me transcender, que je dois faire ma révolution. Ma souffrance est cette bénédiction qui ne me laisse d'autre issue que de dépasser l'ordinaire de la condition humaine.


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