Mérelle.net, l'aventure intérieure

32 - Approches du Soi

Christian : le Soi n'est pas un super moi

Salut Alain,

L'expression de nos différents a plusieurs fois permis un riche débat entre nous, aussi ne nous en privons pas. Je veux réagir à ta phrase :

> Le fait que la femme soit asiatique et âgé semble montrer qu'elle est une image inconsciente et vieille. Aussi, elle est le centre de la famille, je pense que c'est une image du Soi. Or, elle va mourir de façon naturelle. C'est que ce centre n'est plus conforme à ce que tu vis, il est périmé. On peut s'attendre à une restructuration en profondeur, à un nouveau centre.

Ce qui me gêne c'est que tu me parais faire du Soi une sorte de super moi. Ce n'est pas du tout l'idée que je m'en fais. Je ne pense pas qu'il faille mettre le Soi à toutes les sauces. Il s'agit plus à mon avis d'une notion asymptotique et transpersonnelle que d'un complexe comme les autres, fut-ce le moi.

Ici, la vieille femme asiatique me paraît plutôt être une variante du vieux roi, c'est-à-dire une image du moi d'Auqmn dans le monde ancien dont elle s'éloigne, une image d'un complexe dominant à un moment donné, à la limite si tu veux un élément central de sa personnalité durant une période donnée, mais pas Le Centre de la personnalité totale.

Ce centre de la personnalité totale, on l'approche, me semble-t-il, en tournant autour par un mouvement spiralique. Et cette approche est une longue et fabuleuse aventure intérieure, mais aussi extérieure, pleine de péripéties et de rebondissements. Il faut se confronter notamment à l'Ombre, ce qui n'est pas spécialement marrant, mais aussi à l'anima pour les hommes, ou à l'animus pour les femmes, et cela c'est beaucoup plus sportif !

Ce n'est qu'ensuite, dit-on, que des images de mandala révèlent que la personnalité est en train de s'organiser autour d'un centre et qu'on commence à entrevoir le Soi à travers des paradoxes du type : le Soi c'est le centre, mais ce centre est vide ou encore le Soi c'est le centre de la personnalité totale et c'est d'abord une notion transpersonnelle.

Ce qui m'a gêné au fond dans ta phrase, c'est qu'il m'a semblé que tu banalisais, donc galvaudais, une notion essentielle. Je souhaite me tromper. Au plaisir de te lire.

Alain

Salut Christian,

J’aime beaucoup tes questions, aussi vais-je tenter d’y répondre.

Je ne crois pas traiter le Soi comme un simple complexe, mais j’avoue que ma formulation se voulait simple sans pour cela vouloir être simpliste.

Je voudrais d’abord expliquer certains termes pour voir si on parle de la même chose et aussi pour permettre aux autres de nous suivre.

Un complexe n’est pas une infériorité ou une maladie psychique comme on le croit dans le langage populaire ; comme on dit, par exemple, que quelqu’un est complexé en voulant dire qu’il est gêné. Un complexe est plutôt une zone de notre organisme psychique qui ramène à lui tout ce qui lui ressemble d’un point de vue affectif ou émotif. Le moi est lui-même un complexe. Tout ce que je sais de moi et tout ce que je crois être moi fait partie de ce complexe. Si par exemple je me trouve sympathique et que sur la rue les gens me sourient volontiers, ceux-ci vont renforcir mon complexe par l’émotion qu’ils suscitent.

Nous sommes fait de complexes. J’ai parlé du complexe du moi, mais les autres complexes qui sont inconscients ont quand même leur propre autonomie. Si par exemple je veux engueuler mon patron et qu’en arrivant dans son bureau je deviens rouge et que je ne sais plus quoi dire, c’est qu’un complexe s’est interposé à ma volonté consciente.

Dans les rêves nous voyons beaucoup les complexes et leurs actions. Les comprendre et les assimiler à notre vie consciente est déjà un travail à faire ; apprendre à s’en faire des alliés. Bon, ça va pour les complexes, sans cela je ne m’arrêterais plus… Disons que ce sont des personnalités qui vivent en nous… ! ? ? !

Les complexes sont en quelque sorte situés sous le niveau de la conscience, un peu comme au début de l’inconscient (toutes choses étant relatives) ; dans l’inconscient personnel…

À un niveau plus profond on commence à voir apparaître des images de l’inconscient collectif ; les archétypes.

Les archétypes sont difficile à définir, ce sont surtout des potentialités. C’est un peu comme l’eau qui se transforme en neige. Aucun des flocons ne se ressemblent, pourtant ils ont tous six branches. Les archétypes sont une possibilité de représentation, en une image, de quelque chose qui a toujours été vécu par des millions d’hommes et de femmes et qui continuera à se vivre à travers les âges. Je n’ai jamais traversé la mer sur un bateau, mais cette image peut très bien venir en rêve comme pour me souligner que le problème que je traverse rejoint la condition humaine.

Tout ça pour dire qu’un archétype n’est pas une image, mais en une image il montre un lien avec l’humanité.

Les premiers archétypes que l’on rencontre dans la connaissance de soi sont l’ombre et, l’anima (pour l’homme), l’animus (pour la femme).

L’ombre est cette part obscure que nous avons tous en nous. L’anima est la représentation du pôle féminin de l’homme. L’animus est la représentation du pôle masculin de la femme.

Parmi les autres archétypes on peut rencontrer la grande déesse mère, l’enfant, le vieillard sans âge, le vieux sage, l’idiot, l’amoureux, la sorcière et bien d’autres. Les instincts sont aussi à ce niveau…

Venons-en maintenant au Soi. C’est l’archétype central qui embrasse tout l’ensemble de la psyché ; il en est à la fois le centre et la périphérie. C’est le but à atteindre, la totalité psychique. Il est indéfinissable, en le nommant on réduit considérablement le sens qu’il a. C’est un peu comme tenter de définir Dieu. Pourtant, l’inconscient produit une abondance déroutante de définition du nom de Soi.

Je me rends compte que je n’ai pas dit grand chose, mais j’espère que la structure est au moins là.

Bon, voici maintenant ce que je peux te répondre Christian.

Je reprends le début de ma phrase : " Le fait que la femme soit asiatique et âgé semble montrer qu’elle est une image inconsciente et vieille. Aussi, elle est le centre de la famille, je pense que c’est une image du Soi ". Je pense que dans le processus de croissance, le Soi apparaît d’abord comme un non-moi étranger (asiatique). Elle est vieille. L’image que notre monde moderne se fait des vieux me semble limitée, on les entrepose dans des centres pour personnes âgés pour mourir alors qu’ils me paraissent comme étant les détenteurs d’une longue vie et, dans les rêves, d’une vie immémoriale. Aussi, elle est en rapport avec le centre ; le Soi. Elle est le centre (de la famille).

Je continue avec la fin de ma phrase : " Or, elle va mourir de façon naturelle. C’est que ce centre n’est plus conforme à ce que tu vis, il est périmé. On peut s’attendre à une restructuration en profondeur, à un nouveau centre ".

C’est ici que ça se gâte. Bien sûr le Soi ne peut pas mourir, c’est le centre et celui-ci sera toujours là. Aussi, il ne sera jamais périmé. J’aurais dû dire : " Cette femme est un archétype qui est très proche du Soi, tant et si bien qu’elle s’y fond presque. Pendant longtemps elle a été à l’image de ton centre car c’est elle qui représentait le mieux l’ensemble de ta personne, avant. Mais, tu te transformes par tes prises de conscience et tu entres dans un autre archétype qui vient t’aider à changer, l’archétype de la mort (promesse de renaissance). On peut s’attendre à une réorganisation autour du Soi et celui-ci devrait présenter une nouvelle image ".

D’autre part tu me parles du vieux roi comme une image du moi d’Auqmn. Or, le vieux roi est aussi un archétype ou une des infinies images du Soi et pas un simple complexe personnel. Je pense que si le moi doit disparaître ou faire place à autre chose, l’inconscient ne se gêne pas de faire mourir le rêveur lui-même (en rêve).

Je suis d’accord avec toi pour le tour de spirale, parfois nous nous approchons du Soi et parfois on en est très loin et dans notre développement on ne peut éviter les problèmes de l’ombre et de l’anima (et animus). Pourtant, tu dis que ce n’est qu’ensuite qu’on commence à entrevoir des images du Soi (que tu sembles limiter à des images de mandala). Or, je ne crois pas qu’on puisse couper au couteau les activités de l’inconscient. Même des enfants ont des images très nettes du centre, je doute qu’ils aient pu se confronter à leur ombre.

C’est tout pour moi, à toi…

Christian

Bonjour Alain,

Je suis d'accord avec ta définition des complexes, c'est bien dans ce sens que j'utilise ce terme. Là où nous divergeons c'est sur la notion de Soi.

Je réagis seulement sur son utilisation trop fréquente. Pour moi, le centre ou le gouvernement du monde ancien ou du nouveau monde dans les rêves d'Auqmn n'est pas le Soi, mais plutôt une organisation du Moi. Si le Soi apparaît dans ses rêves c'est seulement comme une perspective vers laquelle elle oriente ses pas, et non en tant que centre actif qui se transforme.

Évidemment, je ne réduis pas le Soi aux mandalas. Je dis que l'apparition d'images de cette nature est le signe que le Soi commence à devenir un principe organisateur. Avant, le Soi existe comme but à atteindre mais pas directement. Un peu comme dans le désert lorsqu'on a des images de l'oasis sous forme de mirages qui guident nos pas, mais pas la fraîcheur, ni l'eau.

Peut-être aurons-nous l'occasion ultérieurement de mieux préciser ce qu'est le Soi, ici je voulais juste préciser ce qu'à mes yeux il n'est pas.

Alain : Bruce Lee

Bonjour Christian,

Comment vas-tu ? Moi, je me relève d’un rhume, mais j’ai rêvé que j’étais Bruce Lee (avec mon visage) et je faisais un saut de karaté qui aurait pu tuer un bœuf. J’avais les cheveux très forts, drus et très noirs, les muscles tendus et une expression concentré vers mon objectif, puissant et le regard intense et perçant. Tout ça pour dire que j’ai maintenant une énergie hors du commun. J’en profite…

Pour ce qui est du Soi, je pense qu’on commence à s’entendre. Le moi s’organise autour d’une image du Soi et celui-ci interviendra directement surtout quand le moi sera, par trop, désorganisé. Le Soi et les archétypes sont des images secourables quand rien ne va plus, mais encore faut-il les comprendre. Je pense que le Soi agit quand même indirectement, il régularise en mettant en branle l’autonomie des complexes. Dénouer les complexes et les archétypes de l’ombre et de l’anima (us) n’est pas donné à tout le monde et n’est pas nécessaire à tout le monde. Regarder en soi n’est pas facile et il faut tenir compte des résistances du rêveur (euse). Dans ce sens, je ne me sens jamais offusqué lorsque mon interprétation ne fait pas l’affaire du rêveur. Soit que je me suis trompé ou bien il ne faut pas aller plus loin dans l’idée que j’ai. Respecter l’autre et faire abstraction de soi………..

Bon, je déborde !

En tout cas, j’aime bien nos discussions qui m’oblige à clarifier mes idées ! ! C'est très bien.

J’aime beaucoup ta façon d’interpréter les rêves. Tu y mets beaucoup de vie et de couleurs, un vrai artiste.

Pour finir : Je savais bien que tu ne voyais pas le Soi uniquement dans les mandalas…

Christian : La connaissance immédiate

Hello Bruce Lee. Puisse-t-il t'infuser l'énergie dont il est porteur !

Avec ce que tu m'écris sur le Soi, en effet, nos conceptions se rapprochent. Je crois que, sur le chemin de l'individuation, on a longtemps affaire à des images du Soi qui sont des mirages, ce qui ne les empêche pas d'orienter notre marche. Et puis, il y a l'action indirecte du Soi, notamment la fonction transcendante dont tu as déjà parlé sur le Forum, cette fonction apte à mettre en route les processus de résolution des conflits. Dans mon imaginaire personnel, j'aime bien la désigner comme Mère Alchimie dans son aspect pétroleuse, poseuse de bombes. Le Soi, à mes yeux, j'insiste : ce n'est pas un Moi, même super. C'est un concept d'une autre nature dont j'aime à mettre en avant ces temps-ci son caractère transpersonnel. Il serait intéressant que je développe cette idée, auparavant je dois la mûrir un peu, une autre fois peut-être.

ictiandre : Le Soi et nous

Je me glisse dans votre conversation parce qu'une de tes remarques Alain m'interpelle. Crois-tu que le Soi ne peut intervenir directement que quand le moi est désorganisé comme tu l'écris, seulement quand tout va mal. Je comprends la fonction transcendante qu'il a alors pour aider à avoir une autre vue. Mais est ce seulement dans ces cas là ? Je m'interroge.

Alain : Le Soi et ses intermédiaires

>Bonjour Ictiandre,

C'est très bien que tu te glisses dans notre conversation. Je ne crois pas que Christian et moi veuillions discuter tous seuls, tant mieux si d'autres embarquent.

C'est une question difficile que tu poses. L'ensemble de la psyché est tellement mouvant et vibrant. Je disais que le Soi va intervenir surtout quand rien ne va plus. Cela ne l'empêche pas d'intervenir avant. Il y a comme un équilibre qui doit se créer entre le conscient et l'inconscient. Parfois, le moi est désorganisé; on ne sait plus ce que l'on veut, on ne se reconnaît plus, on est d'humeur instable, etc. etc.. Le rapport entre le conscient et l'inconscient semble quelque peu rompu. Sans que tout aille mal, il arrive que le moi ait besoin d'un petit coup de pouce. On dirait que l'inconscient profite de ces instabilités du moi pour reprendre les rennes. C'est comme si nous voyant instable il nous faisait faire une culbute pour être le seul à prendre le contrôle. Comme s'il voulait nous obliger à changer pour que l'équilibre se refasse. Alors apparaissent des images secourables : les archétypes, la fonction transcendante. Mais, comme je disais, le Soi est l'archétype central. Je ne sais trop, mais c'est peut-être lui qui amène les archétypes à agir. Comme si le lien entre eux était très étroit. Je te donne une image: on aura davantage affaire aux anges et aux saints, avant d'avoir affaire à Dieu. Le Soi signale sa présence, mais ce n'est pas vraiment lui qui agit. Je voudrais bien définir le Soi, mais j'en suis incapable. Comme dit Christian, on peut surtout dire ce qu'il n'est pas. C'est un peu comme essayer de décrire Dieu. Il est présent et agissant, mais par des images, des signes...

Quand je dis qu'il va agir directement quand tout va mal, c'est plus ou moins vrai, disons qu'il nous envoie l'Esprit-Saint....!?!!

ictiandre : Le Soi, suite

Merci Alain pour ta réponse, je voudrais aller plus loin dans la précision de ce qui m'intéresse en ce moment.

La fonction transcendante est un mode de fonctionnement du Soi qui apparaît quand on se trouve dans une situation sans issue, elle produit alors des rêves et des situations qui nous amènent à une autre vision et même à une situation nouvelle. C'est ce que tu as décrit.

Mais le Soi a bien d'autres modes de fonctionnement, l'un d'eux est l'autonomie. Je ne peux fixer les autres ce soir. Ces modes sont un moyen pour mieux comprendre de quoi on parle.

Dans les rêves, les nombreux symboles du Soi qui apparaissent sont à mettre en parallèle avec le mode de fonctionnement qui est concerné ; et comme les symboles sont très variés, les modes de fonctionnement doivent l'entre aussi.

Christian a parlé du caractère transpersonnel du Soi, cet aspect nouveau pour moi m'enchante comme je ne saurais le dire.

Comme le Soi embrasse notre psyché consciente et inconsciente, on ne peut en connaître qu'une partie. Les mots sacré, divin sont ceux qui lui reviennent pour décrire l'émotion qu'il suscite quand il apparaît dans nos rêves, dans notre vie.

Voilà ce que je voulais rajouter comme pour fixer un peu plus ces notions qui doivent paraître bien abstraites.

Page précédente | Retour au sommaire du cas | Page suivante

Ajouter un commentaire