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Billet d’humeur n°25 - 14 mars 2005

Au cœur du désir, le fantasme

A bien écouter les attentes liées à l'individuation, celles-ci expriment souvent un désir de vie pleine et bien remplie, un désir de totalité, un désir d'aimer et d'être aimé, un désir d'harmonie, un désir de bonheur, un désir de résolution des conflits, un désir de paix, un désir d'être utile, un désir de réalisation, etc… Et dans ces désirs, comme dans tout désir, il y a des fantasmes, il n'y a pas que des fantasmes, mais il y a des fantasmes, des fantasmes qui nous retiennent prisonniers des premiers moments de notre vie, des fantasmes qui tendent à rétablir nos premières satisfactions. Il y a la nostalgie des origines. Il y a l'aspiration à retrouver le paradis perdu. Il y a un désir de mère. Il y a une extraordinaire complaisance envers, non pas soi, mais l'image que l'on se fait de soi. Il y a un autoérotisme fondamental. C'est cela qui est recherché. Là est le piège. Là, en même temps, est le remède.

Il y a piège car le fantasme n'est que le fantastique appel de retrouver l'utérus, de s'y engouffrer et de s'y dissoudre, tout cela en instrumentalisant sans scrupule l'autre, le partenaire, le monde tout entier. Il y a piège car aucune des représentations de l'autre, du monde, de soi-même ne correspond véritablement à la réalité. Il y a piège car c'est ainsi que se perpétue la confusion dans laquelle nous vivons.

Il y a remède car pour faire son deuil de ce quelque chose qui nous coupe de la réalité, il faut commencer par retrouver ce quelque chose-là. Il faut retrouver le goût de la mère, il faut retrouver le vécu de la maison que l'on a habitée. C'est seulement après avoir retrouvé, après avoir ressenti dans son corps les signes originels de la satisfaction que l'on peut en faire son deuil. On ne peut pas faire le deuil de ce que l'on n'a pas. Aussi douloureux que cela soit, il faut traverser cette mort de la dimension maternelle du monde.

C'est en se laissant labourer par la douleur d'être définitivement chassé du paradis que l'on accède à la réalité. Au-delà de la mort, l'être se recompose, il devient présent au monde et à soi-même. C'est ainsi que l'on trouve un nouvelle énergie intérieure, un nouvel élan, un élan de vie, C'est en acceptant le manque qu'on devient entier.

Etre entier, c'est être entier malgré le manque.

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Commentaires du billet d'humeur n° 25





Citation du mois

Vous voyez, il y avait dans le mystère de la fleur d'or que Jung a commenté, il y avait à la fin cette image où il dit que " le détachement creuse la caverne du vide, et que dans cette caverne du vide le feu s'allume ". C'est un texte taoïste. Et je crois que c'est vrai, je crois que c'est le sens de ce que nous disions ce soir. Le feu du désir se transforme, se purifie, dans la mesure où l'angoisse a creusé, par le deuil et en particulier essentiellement par le deuil de la mère, a creusé la caverne du vide. Et dans cette perspective, la psychanalyse est peut-être l'art de perdre ses illusions dans un accroissement de goût de vivre.

Elie G. HUMBERT : "Le désir et la mort", conférence donnée au Groupe d'Etudes CG Jung de Paris